Le gouvernement québécois devrait tenter d'attirer à Montréal les activités financières qui seront bientôt interdites aux États-Unis et en Europe, a suggéré jeudi le grand patron de la Société Générale au Canada, Pierre Matuszewski.

Afin d'éviter que la crise de 2008 ne se répète, les autorités américaines et européennes sont en train de resserrer la réglementation qui encadre les institutions financières de ces pays.

Or, moins touché par la débâcle en raison de la solidité relative de son système bancaire, le Canada n'est pas encore allé aussi loin que les États-Unis et l'Union européenne en cette matière.

Il est donc envisageable que les institutions financières puissent à moyen terme «faire légalement au Canada ce qu'on ne pourrait pas faire aux États-Unis ou au Royaume-Uni», a expliqué M. Matuszewski aux journalistes après un discours prononcé à la tribune du Conseil des relations internationales de Montréal.

Par exemple, les banques américaines ne pourront plus, d'ici quelques années, effectuer des transactions financières pour leur propre profit. Il reste à voir si Washington leur permettra de mener de telles activités à l'étranger.

Le Québec devait donc se servir de cet avantage comparatif pour faire grossir Montréal comme place financière internationale, a soutenu Pierre Matuszewski.

La Société Générale, l'une des principales banques françaises, examine déjà la possibilité de transférer hors d'Europe les activités qui pourraient faire l'objet d'une interdiction là-bas, a-t-il indiqué.

Il est intéressant de noter au passage que Montréal a pris du galon dans le plus récent classement mondial des places financières mondiales, publié en septembre. La métropole québécoise est passée de la 26e à la 20e place, derrière Toronto (10e) et Vancouver (17e), mais devant Paris (24e).

Le Centre financier international de Montréal, dont la mission est de convaincre de nouvelles institutions étrangères de s'installer dans la métropole, fête cette année son 25e anniversaire.

En misant sur ses forces, les produits dérivés, la gestion de caisses de retraite, l'informatique financière et le capital de risque, Montréal peut tirer son épingle du jeu, a insisté M. Matuszewski, en invitant le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, à vanter les mérites de la ville sur la scène internationale. Ce dernier a récemment fait la promotion de Toronto à New York.

À Montréal pour rester

Par ailleurs, même si les institutions financières européennes se retirent de plus en plus des marchés étrangers pour redresser leur bilan dans la foulée de la crise financière, Pierre Matuszewski ne craint aucunement que la Société Générale se retire du Canada, même s'il reconnaît qu'il y a toujours un risque.

«Il y a actuellement un protectionnisme qui fait qu'on ramène tout au siège social et qu'est-ce que vous voulez, je suis le président d'une filiale de banque étrangère, a-t-il affirmé. Le siège à Paris pourrait me dire un jour «Écoute Pierre, je t'aime bien, mais le capital que j'ai chez toi, j'aimerais le mettre ailleurs'.»

Il reste que plus tôt cette année, la banque a créé à Montréal, avec l'aide financière de Québec, quelque 60 postes afin d'assurer le soutien informatique de ses équipes installées à New York.

«L'économie réalisée dépasse ce qui avait été budgété, à tel point que nous planifions une phase II très bientôt», a révélé M. Matuszewski. Il a évoqué juin prochain pour le lancement de ces nouvelles activités, mais n'a pas voulu faire état du nombre d'emplois qui pourraient être créés.