Les Cris du Québec reconnaissent d'emblée l'apport de la Paix des Braves, signée il y a 10 ans, à l'amélioration de leur niveau de vie, tout en clamant qu'il n'y aurait jamais eu d'entente si la nation crie ne s'était pas battu politiquement et juridiquement. Pour eux, il n'est que juste et normal que les habitants du territoire sur lequel ils vivent depuis des milliers d'années puissent retirer le maximum du développement minier, forestier et hydroélectrique qui y prend place.

Romeo Saganash, longtemps négociateur pour le Grand conseil des Cris et maintenant député fédéral de la circonscription d'Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou, a accepté de répondre à nos questions au cours d'un entretien téléphonique.

À noter que l'entretien s'est déroulé avant que M. Saganash n'annonce sa candidature à la succession de Jack Layton comme chef du NDP.

La Presse Affaires : Qu'est-ce que la Paix des Braves a changé dans la vie des Cris depuis 10 ans ?

Romeo Saganash : Le rapprochement que la Paix des Braves a créé a été bénéfique autant pour les Cris que pour le reste de la population québécoise. Ç'a créé les conditions gagnantes pour le Nord. L'avenir du Québec passe par le Nord.

Avant la Paix des Braves, les Cris en général se sentaient exclus du développement économique de leur territoire. C'était généralisé, que ce soit dans les secteurs minier, forestier ou même chez Hydro-Québec. Aujourd'hui, les gens se sentent impliqués et directement consultés. Ça se traduit par une participation dans les emplois et les contrats qui sont créés par le développement du territoire. C'est un changement absolument radical à cet égard.

LPA : Est-ce qu'il existe des équivalents à la Paix des Braves ailleurs au Canada et dans le monde ? Le Québec est-il à l'avant-garde dans ses relations avec les peuples autochtones ?

R.S. : Vous savez quoi ? Les principes de respect mutuel, de relations harmonieuses, de collaboration et de partenariat que l'on trouvait en 2002 dans la Paix des Braves ont inspiré les Nations unies dans leur déclaration sur les droits des peuples autochtones, adoptée en septembre 2007. Les autres nations à travers le monde s'en inspirent.

Cependant, ni la Convention de la Baie-James, ni la Paix des Braves ne sont arrivées par la générosité des gouvernements ou d'Hydro-Québec. Nous avons dû nous battre politiquement et juridiquement pour arriver aux deux accords. Malgré la générosité que l'on peut percevoir dans ces deux ententes envers les Cris, ça ne s'est pas concrétisé pour d'autres nations ici même au Québec comme les Innus avec lesquels le gouvernement négocie depuis 30 ans.

LPA : Que répondez-vous aux gens qui affirment que les Cris sont enrichis grâce aux contrats d'Hydro-Québec et aux transferts gouvernementaux, et qu'ils le seront plus encore avec le Plan Nord et le nouvel accord-cadre sur la gouvernance qui a été signé en mai dernier ?

R.S. : L'expression riche est très relative. Les Cris essaient de tirer leur juste part dans ce qui se passe sur un territoire sur lequel ils vivent depuis des milliers d'années. C'est juste et normal qu'ils essaient d'en tirer le maximum pour l'avenir de leurs jeunes, car ils ont une population jeune.

Oui, on peut sembler avoir une plus grande richesse. Il ne faut jamais oublier le fait que les compensations que l'on reçoit servent au développement économique, social et communautaire des neuf nations cries du territoire. Ce n'est jamais dû aux individus, c'est pour le développement collectif des Cris. Ceux qui en retirent un bénéfice individuellement, ce sont ceux qui travaillent dans la fonction publique crie. Il y a une bonne partie de la population qui fait de bons salaires sur le territoire et dont les retombées se font ressentir dans les villes limitrophes. Val-d'Or, Rouyn et Chibougamau sont des exemples assez patents.