«Je suis un peu en avance. Est-ce que ça vous convient quand même?»

L'homme qui est au bout du fil a la voix gentille et rassurante d'un bon père de famille. On l'entend peu souvent dans les médias. Même s'il en mène large dans le milieu des affaires et dans le monde de la philanthropie, il accorde rarement des entrevues. Chacun a son style, explique-t-il. Lui préfère la discrétion. Mais pour l'Institut de cardiologie de Montréal, une des nombreuses institutions qu'il soutient, il a accepté de faire une exception.

L'homme avec qui je parle philanthropie en ce vendredi matin s'appelle André Desmarais. Il est co-chef de la direction et président délégué du conseil d'administration de Power Corporation, le géant canadien qui possède notamment le groupe Gesca, dont La Presse fait partie. Jeudi, M. Desmarais sera au centre de toute l'attention au Grand Bal des Vins-Coeurs, un rendez-vous philanthropique annuel organisé par la Fondation de l'Institut de cardiologie de Montréal.

On lui rendra hommage pour l'ensemble de son oeuvre auprès de la Fondation et de tous les efforts qui se sont récemment démarqués par le succès de la campagne de financement majeure «Battre au rythme du monde» dont il était coprésident. L'opération a permis à la Fondation de l'Institut de dépasser son objectif de 60 millions de dollars, pour amasser 70 millions destinés à amener ou solidifier le statut de l'établissement comme leader mondial dans plusieurs créneaux.

Voilà plusieurs années que l'homme d'affaires a choisi de mettre temps et ressources pour aider l'Institut. Au départ, explique-t-il, c'est sa femme, France Chrétien Desmarais, présidente du conseil de la Fondation pendant huit ans, qui l'a amené à multiplier les efforts pour le centre de la rue Bélanger, dans l'est de Montréal. «C'est vraiment une institution importante, dit-il, un petit joyau caché.»

Fondé en 1954, l'Institut de cardiologie est un centre hospitalier universitaire affilié à l'Université de Montréal et spécialisé uniquement dans le traitement et la prévention des maladies du coeur. On y pratique des soins de pointe autant aux consultations externes qu'aux urgences. On y fait de la recherche. On y pilote des programmes de prévention. On y enseigne la cardiologie. Et on y forme des médecins et des infirmiers qui rayonnent dans tout le Québec. «L'Institut est parmi les cinq meilleurs du monde, avec le Cleveland Clinic ou le Thoraxcenter en Hollande, explique M. Desmarais. Et notre rôle, c'est de s'assurer qu'il puisse rester parmi les cinq meilleurs du monde.»

«C'est pour ça qu'on a pu attirer des chercheurs de Harvard. C'est une équipe gagnante.»

André Desmarais parle avec enthousiasme de l'Institut. On entend la fierté du Montréalais heureux de compter une telle institution dans sa ville, une métropole qui a des problèmes «sérieux», note-t-il et «beaucoup de défis à relever», mais qui a aussi beaucoup à offrir.

Et c'est justement pour amener notre communauté plus loin, explique l'homme d'affaires, que tout le monde doit «s'impliquer», mettre l'épaule à la roue. Il y a beaucoup de gens très généreux de leurs ressources et de leur temps, précise-t-il, mais il y a aussi «beaucoup de gens qui ne s'impliquent pas assez». Pourtant, «il y a beaucoup de belles choses à faire et beaucoup de bonheur à trouver en aidant les autres, en aidant la société».

Un des aspects que M. Desmarais préfère dans la philanthropie, c'est l'apprentissage lié à la découverte de secteurs professionnels hors de son milieu. «Toutes les fois, par exemple, que je parle aux chercheurs de l'Institut, j'apprends énormément.» Donner est enrichissant. «Et apprendre, c'est très agréable.»

Mais l'engagement de M. Desmarais ne s'arrête pas à la cardiologie ni même à la santé. La société est une construction complexe, explique-t-il. L'aide peut se faire sentir partout. En éducation, dans les arts, auprès des démunis. C'est pourquoi l'homme d'affaires aide autant le régiment des Voltigeurs de Québec que Centraide, le Musée des beaux-arts que l'Université de Montréal. Il ne faut pas seulement s'engager dans les secteurs qui nous tiennent le plus à coeur. La diversité est cruciale. Il faut apprendre à aller plus loin. Ne pas chercher d'excuses.

Selon lui, il n'y a pas que les grosses sommes d'argent qui font une grande différence. C'est l'importance relative du geste. D'ailleurs, toutes sortes d'organismes accomplissent des choses incroyables, note-t-il, que ce soit le Club des petits-déjeuners, par exemple, ou la fondation One-Drop ou encore Forces Avenir, un organisme qui encourage l'excellence scolaire...

Jeudi, les invités réunis pour le Grand Bal des Vins-Coeurs rendront hommage à M. Desmarais. Il a hâte de voir comment cela va se passer. L'idée de toute cette attention le gêne un peu, précise-t-il. Mais il comprend qu'il donne aussi l'exemple.

«Moi, je préfère être discret. Mais peu importe son style, j'encourage les gens à s'impliquer.»