Deux mois après que le gouvernement eut annoncé des contraintes à l'activité minière dans les zones de villégiature, la délimitation de ces zones fait grincer des dents en Abitibi. L'absence de définition légale entretient la confusion et l'Association de l'exploration minière du Québec (AEMQ) soutient que des centaines de millions de dollars déjà investis pourraient partir en fumée.

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En mai dernier, le gouvernement a déposé une nouvelle mouture de la réforme de la Loi sur les mines (projet de loi 14) comprenant une disposition pour restreindre l'activité minière dans les zones de villégiature et les périmètres urbains. Une clause prévoit que les détenteurs de titres miniers visés devront désormais obtenir l'approbation des autorités municipales pour procéder à des travaux d'exploration.

L'industrie minière paraît toutefois surprise par l'ampleur des territoires affectés à la villégiature, récemment rendus publics par le gouvernement dans le système informatisé de gestion des titres miniers du Québec (GESTIM). En Abitibi, les zones couvrent certaines parties de la faille de Cadillac, particulièrement riche en or. Elles ceinturent entre autres la mine Goldex, près de Val-d'Or.

En juillet, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) a envoyé des avis aux sociétés minières qui possèdent des titres miniers dans les zones visées. Il est précisé dans cet avis que les dispositions concernant les zones de villégiature seront rétroactives au 12 mai 2011 si le projet de loi est adopté tel quel, et que les détenteurs de titres ne recevront aucune indemnité s'ils ne peuvent poursuivre l'exploration.

L'AEMQ est en train d'évaluer les sommes déjà investies dans les titres situés dans les périmètres urbains ou dans les zones de villégiature. Déjà, le décompte atteint des centaines de millions de dollars, en Abitibi seulement. «C'est de l'argent qui pourrait partir en fumée», note Alain Poirier, directeur de projet à l'AEMQ.

«Comme ils ont décidé que le milieu rural était une zone de villégiature, j'ai une propriété qui est pratiquement rayée de la carte», dénonce Gérald Riverin, président et chef de la direction de Ressources Cogitore. Cogitore a déjà investi 250 000$ sur cette propriété. «Maintenant, on sera à la merci des politiciens locaux, qui peuvent changer tous les quatre ans, explique M. Riverin. Ça crée de l'incertitude et une possibilité constante de perdre tout l'investissement.»

Selon M. Riverin, le gouvernement a mis en place une «mesure bâclée». «On regarde quels sont nos recours», ajoute M. Riverin.

Un PDG d'une autre société d'exploration, qui préfère ne pas être nommé le temps d'étudier ses options, indique qu'une campagne de forage vient juste d'avoir lieu sur une propriété visée, où des millions ont déjà été investis. «Ça crée des préjudices, il y a en jeu des sommes importantes pour de petites sociétés.»

Pas de définition légale

L'industrie est d'autant plus surprise qu'il y a des disparités entre ce que les municipalités et les MRC, d'une part, et le MRNF, d'autre part, considèrent comme une zone de villégiature. À Rouyn-Noranda, les zones de villégiature sont limitées à une zone de 120 mètres au bord de certains lacs. Or, le MRNF a intégré toute la zone rurale habitée (mais non agricole) dans les territoires de villégiature, observe le directeur du service d'aménagement de la Ville, Pierre Monfette.

Plusieurs minières ont pris contact avec la Ville pour marquer leur incompréhension. Dans l'industrie, plusieurs croient à une erreur du Ministère.

Simon Turmel, directeur de cabinet du ministre délégué aux Ressources naturelles, confirme qu'il n'y a pas d'erreur et que le ministre veut s'assurer qu'il y ait une bonne cohabitation et une acceptation sociale dans les territoires habités. Des modifications pourraient encore être apportées aux zones de villégiature actuellement établies, précise néanmoins M. Turmel.

Selon les explications du MRNF, les territoires affectés à la villégiature regroupent environ 80 désignations présentes dans les schémas d'aménagement des MRC, par exemple «affectation villégiature» ou «zone résidentielle rurale». C'est le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire (MAMROT) qui a fourni ces données au MRNF.

De son côté, le MAMROT nous indique qu'il «accompagne le MRNF de manière à bien circonscrire ce qu'on entend par villégiature et ses caractéristiques», mais que le terme n'a toujours pas de définition légale.