La concurrence augmente d'un cran supplémentaire sur le marché québécois du voyage d'aventure. Le géant français Voyageurs du monde, qui exploite notamment Terres d'Aventure, a pris le contrôle d'Uniktour.

En contrepartie, la petite agence québécoise aura accès aux ressources de Voyageurs du monde pour réaliser un vieux rêve: faire une percée au Canada anglais et aux États-Unis.

«C'est sûr que ça m'attriste [de perdre le contrôle], c'est une société que j'ai fondée, a admis le président d'Uniktour, Philipe Bergeron, en entrevue téléphonique avec La Presse Affaires. Mais mon ambition dépasse mon ego. Le but de la transaction, c'est d'aller vers les États-Unis.»

Avec un chiffre d'affaires de 7,5 millions de dollars et plus d'une vingtaine de conseillers dans ses bureaux de Montréal, Québec et Ottawa, Uniktour se spécialise dans le voyage sur mesure. Au cours des dernières années, la société a enregistré une croissance annuelle de 35 à 40%, mais le financement demeure un problème.

«Dans le domaine du voyage, on ne peut pas donner les comptes clients en garantie à un banquier parce qu'ils sont en fiducie, a-t-il expliqué. Il reste donc deux ou trois possibilités: aller en Bourse, ce qui n'était pas pour nous, ou trouver des anges financiers, des investisseurs privés. Le problème, c'est que le rendement exigé est trop important par rapport aux capacités de bénéfices d'une agence de voyages. La dernière solution, c'est d'aller chercher des partenaires non seulement financiers, mais stratégiques.»

Or, la société française Voyageurs du monde était justement en processus d'internationalisation, avec l'ouverture de bureaux en Belgique et en Suisse. Avec un chiffre d'affaires de 260 millions d'euros, l'entreprise se spécialise dans le voyage sur mesure, mais elle est également active dans le voyage d'aventure avec des marques comme Terre d'Aventure, Grand Nord Grand Large, Déserts et Nomade Aventure. Elle lorgnait l'Amérique du Nord.

«C'est un mariage parfait», s'est exclamé M. Bergeron.

Voyageurs du monde a pris une participation de 51% dans Uniktour.

«En échange, nous avons obtenu une entente exclusive de distribution des produits de Terre d'Aventure au Québec», a déclaré M. Bergeron, qui continuera à diriger Uniktour avec sa directrice générale, Cinzia Trotto.

Il a indiqué qu'Uniktour avait déjà eu comme projet de lancer une agence de voyages d'aventure au Québec. Or, il y avait déjà des joueurs bien en place, comme Karavaniers et Explorateur.

«Nous avons compris que le bassin de population n'était pas assez élevé, que nous aurions dû vendre la même chose que tout le monde, le Pérou, le Kilimandjaro, etc.»

Avec les produits Terre d'Aventure, Uniktour pourra offrir des destinations qui seraient plus difficiles à vendre à la seule population québécoise.

«Terre d'Aventure fait partir des dizaines de milliers de personnes par année, a soutenu M. Bergeron. Nous pourrons aller chercher des clients pour des départs uniques et garantis.»

Uniktour envisage l'ouverture d'une succursale Terre d'Aventure à Montréal, mais elle entend d'abord s'attaquer au marché de Québec.

«À Montréal, les joueurs qui sont là sont bons dans ce qu'ils font, alors qu'à Québec, l'offre dans le voyage d'aventure est inexistante», a indiqué M. Bergeron.

L'agence montréalaise Karavaniers se prépare quand même à la concurrence accrue. En février dernier, elle a pris le contrôle d'une petite agence française, Terres oubliées, et récemment, elle a conclu une entente avec un grand nom du voyage d'aventure, la société française Allibert, pour offrir un certain nombre de destinations aux Québécois.

L'autre grand projet d'Uniktour, c'est l'ouverture, d'ici trois ans, de succursales spécialisées dans le voyage sur mesure à Toronto, Boston et New York.

«Nous n'avons pas trouvé l'équivalent de ce que nous faisons aux États-Unis et au Canada anglais, a affirmé M. Bergeron. Il y a quelques tours opérateurs qui font des voyages sur mesure, mais c'est surtout dans le voyage de luxe, comme Abercrombie. Ils le font essentiellement par défaut, parce qu'ils cherchent surtout à remplir leurs voyages de groupe.»