Les armatures en composites de Pultrall, une PME de Thetford Mines, connaissent énormément de succès dans le reste du Canada, de même qu'aux États-Unis. Mais elles sont, pour ainsi dire, boudées au Québec. Un non-sens, croit Bernard Drouin, directeur général et principal actionnaire de cette entreprise qui prévoit enregistrer une croissance de 100 % en 2011 et dont les visées sont désormais mondiales.

«Je suis très déçu que le ministère des Transports (MTQ) ne soit pas plus ouvert à l'utilisation des composites dans les travaux routiers. Nous avons même fait des projets de recherche en collaboration avec le MTQ au début des années 90. La technologie a été adoptée par le reste du Canada, mais pas au Québec. Tant que ça reste 'underground', ils aiment ça. Mais quand c'est prêt à être commercialisé, ça traîne», ironise Bernard Drouin.

Au MTQ, on affirme au contraire être en faveur de l'utilisation de produits comme ceux de Pultrall. «On a fait des représentations en ce sens pour que leur produit fasse partie du Code canadien sur les ponts routiers. Mais on préfère attendre l'approbation de nos ingénieurs avant d'en faire une plus grande utilisation. À notre avis, les matériaux composites comportent des désavantages et peuvent influencer les coûts et les techniques de réparation des ouvrages», explique Mario St-Pierre, porte-parole du Ministère.

Le produit vedette de Pultrall s'appelle le V-ROD. Il s'agit de longues tiges fabriquées en vinylester, un composite à base de résine thermodurcissable. Le V-ROD est quatre fois plus léger et deux fois plus robuste que l'acier, explique M. Drouin. «Et il ne rouille pas. On l'utilise dans les ponts, les murs marins (quais), les stationnements étagés, les routes, les grandes usines, etc. Dans un pont, sa durée est d'au moins 100 ans», dit-il.

L'état lamentable des structures du pont Champlain et de l'échangeur Turcot défraie la chronique depuis des mois. Le V-ROD de Pultrall, croit l'homme d'affaires, serait une solution toute trouvée lors de la reconstruction de ces deux gros ouvrages routiers, dont les armatures d'acier servant à renforcer le béton, sont corrodées. «C'est une question de logique pour les contribuables», affirme-t-il.

Bernard Drouin brasse néanmoins des affaires au Québec. Ses V-ROD se retrouvent dans certains ponts et viaducs, mais dans une proportion d'environ 10%. «On fait 22 fois plus de ventes en Ontario qu'au Québec», dit-il.

Se présentant comme l'un des «leaders mondiaux» dans le domaine des armatures en matériaux composites, Pultrall ne vise rien de moins que le marché planétaire. «Mais si le marché n'est pas prêt, c'est-à-dire que le code du bâtiment ne reconnaît pas le genre de produit que nous fabriquons, ça ne donne rien de prendre des initiatives. On attaque nos marchés de façons stratégiques», explique le grand patron de la PME.

L'un des objectifs visés par l'entreprise de Thetford Mines: promouvoir la technologie du V-ROD à l'étranger par le biais de licences de commercialisation, et éventuellement, de fabrication.

Pultrall vend 80% de sa production au Canada et 20% ailleurs dans le monde, principalement aux États-Unis. La PME de 75 employés possède un réseau de distribution pour les États-Unis, le Moyen-Orient, l'Australie et l'Asie du Sud-est. Le plus gros projet auquel l'entreprise québécoise a été associée à ce jour: les dalles des salles d'électrolyse dans la plus grosse aluminerie au monde, laquelle se trouve au Qatar.

Dans ses installations de 85 000 pieds carrés à Thetford Mines, Pultrall compte deux divisions. La première, qui représente pour l'instant 50% de son chiffre d'affaires (d'environ 10 millions), s'occupe de la production de la V-ROD. Cette division, qui a cru d'au moins 50% annuellement ces dernières années, est sur une lancée, dit Bernard Drouin.

L'autre division de la PME se spécialise dans la fabrication sur mesure de pièces en matériaux composites. Sa croissance est d'environ 10% par année. Elle permet à Pultrall d'être en contact avec les grands donneurs d'ordre (Prévost, Volvo, Ford, Hydro-Québec, etc.).

Dans 75% des cas, on fait appel à la PME québécoise pour remplacer des pièces en aluminium, en acier, voire en bois. De l'implant dentaire à l'équipement militaire, en passant par les pièces entrant dans la fabrication de transformateurs électriques ou de bâtons de hockey.

Pultrall tire son nom du mot pultrusion, un procédé en continu servant à fabriquer des profilés en matériaux composites. La PME a été fondée en 1987 par l'homme d'affaires Fernand Bernard. L'entreprise a été achetée en 1996 par Paul Drouin, le père de l'actuel directeur général.

Autrefois consultant en environnement et spécialiste en R&D, Bernard Drouin, ingénieur chimique de formation, est aujourd'hui le principal actionnaire de Pultrall. Son frère Marc-André Drouin, de même que Bertrand Aubert, directeur des finances, complètent l'actionnariat.