Parmi les six défis que le Québec doit collectivement relever afin de s'assurer d'un avenir prospère, la productivité apparaît comme celui par lequel il faut commencer.

C'est en tout cas la grande conclusion d'un copieux ouvrage, réalisé par les études économiques Desjardins et rendu public hier. «Il est essentiel d'appuyer sur les meilleurs leviers, ceux dont la portée est la plus grande. À cet égard, l'amélioration de la productivité paraît être l'objectif le plus important à atteindre», écrivent les auteurs.

Pour produire «Le défi de la prospérité durable Pour un avenir meilleur au Québec. Les enjeux à relever et les opportunités à saisir: identification, priorisation et choix des leviers», Desjardins s'est appuyé sur trois de ses économistes (François Dupuis, Yves St-Maurice et Hendrix Vachon), sur la consultante Thérèse Laflèche, de même que sur les économistes chevronnés Claude Montmarquette et Jean-Pierre Aubry, du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO).

Une synthèse

Ce docte aréopage a passé au peigne fin tout ce qui a pu s'écrire de sérieux sur les enjeux du Québec depuis la publication en 2005 du «Manifeste des lucides». Ils ont dressé la liste des nombreuses recommandations et tenté une synthèse qui s'appuie aussi sur leurs propres recherches et travaux.

Il en ressort que le Québec doit à la fois contrer l'effet du choc démographique, assainir les finances publiques, développer les régions, lutter contre la pauvreté et protéger l'environnement.

Pour y parvenir, la clé, c'est une productivité accrue, mais s'attaquer à ce seul défi ne résoudra pas tout. «Si nous ne parvenons pas à réaliser cet objectif, la réduction du bassin de main-d'oeuvre se traduira par une croissance de la production potentielle plus faible, entraînant inévitablement une stagnation, voire une diminution du niveau de vie des Québécois et la détérioration des finances publiques, préviennent-ils. L'appauvrissement de la province qui s'ensuivrait rendrait encore plus difficiles la lutte contre la pauvreté et le développement régional.»

Dans un effort louable de schématisation, les auteurs ont produit un tableau qui résume les enjeux à court, moyen et long terme pour relever chacun des défis. Ainsi, pour améliorer la productivité, huit chantiers qui porteront leurs fruits à des moments différents devront être lancés.

D'ici cinq ans, le Québec devra avoir réussi à augmenter l'investissement en capital physique, à investir dans la formation en entreprise et à créer un environnement favorable aux gains de productivité.

Bien que les résultats puissent être tangibles seulement à moyen et long terme, il faut dès maintenant aussi stimuler et améliorer le rendement de la rechercheetdéveloppement, encourager l'entrepreneuriat, favoriser l'innovation et augmenter le taux de diplômés postsecondaires tout en contrant le décrochage scolaire.

Miser sur les ressources humaines

Tout cela suppose de miser beaucoup sur les ressources humaines. «En tant que coopérative, le Mouvement Desjardins est très bien placé pour savoir que la force d'une organisation repose sur ses membres et que, par extension, la force d'une société dépend d'abord et avant tout de son capital humain», lit-on dans le document de 83 pages d'un texte serré.

Dans la foulée de plusieurs recherches publiées depuis 2005, les auteurs se sont penchés sur le rôle de l'État. «Le gouvernement a la responsabilité de créer un climat favorable à l'amélioration de la productivité des entreprises par le biais d'une réglementation efficace qui favorise la concurrence et d'un système fiscal efficace qui encourage les entreprises à investir et les individus à travailler», lit-on aussi.

Les entreprises ne sont pas laissées pour compte. Elles «ont la responsabilité d'investir en capital physique et dans leur capital humain et elles ont tout à y gagner».

La balle au gouvernement

Enfin, les auteurs leur suggèrent aussi de «retourner à la société une partie des bénéfices que celle-ci leur permet de réaliser, en investissement en éducation et en formation, par exemple».

À la différence des manifestes lucide, solidaire et autres efficaces, le document de Desjardins ne propose pas de moyens d'action, laissant l'initiative au gouvernement de trouver les moyens à prendre «afin de maximiser les impacts des leviers prioritaires identifiés pour assurer la prospérité durable du Québec».