Contrairement à une idée très répandue, les taxes à la consommation ne sont pas régressives au Québec. En fait, grâce au crédit d'impôt pour solidarité dont bénéficient les gagne-petit, elles sont même nettement progressives.



Il serait d'ailleurs avantageux de modifier leur dosage avec l'impôt sur le revenu pour réduire le travail au noir et augmenter les recettes fiscales. Le redosage doit être léger cependant pour éviter la contrebande ou le magasinage aux États-Unis.

Telles sont les conclusions surprenantes de deux études fouillées produites par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke.

Pour en arriver là, Luc Godbout, Suzie St-Cerny et Stéphane Paquin ont réparti le poids des taxes à la consommation (TPS et TVQ) par quintiles de revenus des quelque 3,5 millions de ménages québécois en 2008. Le premier quintile est formé des ménages gagnant 22 354$ et moins par année, le cinquième, de ceux engrangeant plus de 94 701$.

Puis, ils ont réparti par quintile les dépenses taxables et non taxables selon l'Enquête sur les dépenses des ménages. Cela leur permet de calculer que le premier quintile consacrait 19% de ses dépenses à l'alimentation, contre 9,5% pour le dernier quintile.

Après avoir répété l'exercice pour tous les grands postes de dépenses, ils ont tenu compte des crédits d'impôt remboursables relatifs à la TPS et à la TVQ par quintile. Ceux-ci représentent 60,6% des taxes du premier quintile, contre 2,6% du dernier. Au bout du compte, «les ménages du quintile inférieur payent moins de 3% de l'ensemble des taxes nettes payées, calculent les chercheurs. Cette proportion augmente d'un quintile à l'autre jusqu'à 44% du total des taxes nettes pour le quintile supérieur.»

Les trois premiers quintiles payent moins que leur poids dans le total des ménages.

Mais il y a de vraie progressivité que si la proportion du revenu consacré à la taxe augmente de quintile en quintile. Or, la part va de 2,5% pour le premier à 6,9% pour le quatrième. Le cinquième est un peu avantagé avec 6,7%.

Progressivité améliorée

Les auteurs ont sophistiqué leur recherche en montrant que la progressivité a augmenté entre 2005, alors que la TPS était de 7% et la TVQ de 7,5%, et 2011 où la TPS est de 5% et la TVQ de 8,5%. «Le gouvernement canadien n'a pas revu à la baisse son crédit de taxe lors de la diminution du taux de la TPS alors que le gouvernement québécois a pris soin de bonifier son crédit au titre de la TVQ», rappellent-ils.

La progressivité des taxes à la consommation au Québec s'ajoute à celle de l'impôt sur le revenu, plus élevé au Québec que dans l'ensemble du G7.

En jumelant les deux ponctions fiscales, les auteurs font remarquer qu'elles représentent 5,9% du revenu total des ménages du premier quintile, mais jusqu'à 33,8% de ceux du cinquième, un signe indéniable de progressivité.

Mais peut-on faire davantage?

Chose certaine, si la ponction fiscale doit augmenter, ce doit être par les taxes à la consommation. Mais on pourrait aussi modifier le dosage et se rapprocher davantage du chemin emprunté dans les autres pays de l'OCDE, à condition d'ajuster en conséquence le crédit d'impôt pour la solidarité.

Ailleurs dans le monde

Les auteurs soutiennent cette thèse en montrant que la prépondérance des taxes à la consommation sur l'impôt sur le revenu n'augmente pas les inégalités. C'est même dans des pays où les taxes à la consommation sont les plus élevées comme le bloc scandinave, la France ou les Pays-Bas que le coefficient de Gini est le plus faible. Plus ce coefficient se rapproche de zéro et plus les inégalités sont faibles. Plus il se rapproche de un, plus elles sont élevées. Au Danemark, champion des taxes à la consommation, il est de 0,23, au Québec de 0,30, au Canada de 0,32. Aux États-Unis, pays sans taxes à la consommation, il atteint 0,37.

Au Danemark, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA, équivalent de TPS +TVQ) est passée de 22% à 25% en 2005. En même temps, les taxes sur la masse salariale ont été réduites de manière à favoriser la compétitivité des exportateurs danois et de taxer les importations, chinoises entre autres.

«Les problèmes que subit le Québec sont connus, le Danemark nous offre des pistes de réflexion, concluent les chercheurs. La question est maintenant de savoir si cela s'avère politiquement faisable.»