Le gouvernement Charest a discrètement modifié ses arguments pour expliquer son opposition à la création d'une commission nationale des valeurs mobilières dans le récent mémoire qu'il a déposé à la Cour suprême du Canada après avoir essuyé les critiques du député conservateur Maxime Bernier.

Le mémoire qu'il a récemment soumis au plus au tribunal du pays est en effet plus étoffé que celui qu'il avait présenté à la Cour d'appel du Québec il y a deux ans et il reprend certaines des thèses mises de l'avant par Maxime Bernier, le seul député conservateur qui s'oppose à la création d'une commission nationale des valeurs mobilières.

Le gouvernement Harper tente de créer une commission nationale des valeurs mobilières, malgré la vive opposition de certaines provinces, dont le Québec et l'Alberta, en faisant notamment valoir que l'évolution du commerce international au cours des dernières années fait en sorte qu'il s'agit maintenant d'un domaine de compétence relevant d'Ottawa.

Devant la contestation de certaines provinces, le ministre des Finances Jim Flaherty a soumis à la Cour suprême un renvoi sur cette question pour avoir son avis. Le plus haut tribunal du pays doit entendre les arguments des deux parties le mois prochain.

Après avoir omis de le faire dans leur premier mémoire soumis à la Cour d'appel, les avocats du gouvernement du Québec citent maintenant l'existence de lois préconfédératives démontrant que le commerce évoluait déjà dans un contexte international avant 1867 - une thèse défendue par Maxime Bernier dans une lettre publiée dans le quotidien Le Devoir le 12 janvier . Ils affirment aussi que les Pères de la Confédération étaient pleinement conscients de cette situation à l'époque, ce qui ne les avait pas empêchés de laisser ce domaine aux provinces.

«Au moment de la signature de la Constitution canadienne, le marché canadien des valeurs mobilières comportait déjà une dimension internationale», peut-on lire à la page 26 du mémoire du gouvernement du Québec.

Dans cette même page, on note que «plusieurs lois préconfédératives autorisaient des compagnies oeuvrant dans différents domaines à établir des bureaux à l'étranger, à y recevoir des souscriptions, à transférer des actions, à payer des dividendes, etc., et ce, afin qu'elles obtiennent des capitaux étrangers.» Les avocats du gouvernement du Québec font aussi allusion aux recherches du spécialiste Luc LeBlanc sur ces lois préconfédératives, ce qu'ils avaient omis de faire dans le premier mémoire.

Dans sa fameuse lettre du 12 janvier qui avait fait grand bruit, Maxime Bernier a vertement dénoncé la «faiblesse» du mémoire du gouvernement du Québec présenté devant la Cour d'appel.

«Il (le mémoire) n'apporte aucune preuve historique démontrant que le commerce des valeurs mobilières était en fait déjà, à l'époque préconfédérative, de nature interprovinciale et internationale et que cela était connu des Pères de la Confédération. Pourtant, cette preuve historique existe», avait affirmé M. Bernier.

«C'est donc en toute connaissance de cause qu'ils ont confié le secteur des valeurs mobilières aux provinces. Rien n'a fondamentalement changé depuis qui permettrait de transférer ce champ de compétence au gouvernement fédéral», avait aussi écrit le député de Beauce.

M. Bernier, qui a déjà été ministre de l'Industrie et ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Harper, connaît bien le dossier des valeurs mobilières. À la fin des années 90, il a été directeur des relations corporatives et internationales pour la Commission des valeurs mobilières du Québec. En 2004, il avait participé aux travaux du Groupe de recherche sur l'histoire des institutions financières.

Le gouvernement Harper s'est engagé à abandonner son projet si la Cour suprême du Canada tranche en faveur des provinces récalcitrantes dans son renvoi.