L'économiste Pierre Fortin vient de signer une étude de l'institut C.D. Howe sur les finances publiques du Québec dans laquelle il exhorte le gouvernement Charest à garder le cap sur l'équilibre budgétaire prévu pour 2013-2014.

La Presse Affaires : En lisant votre rapport, on arrive à la conclusion que le retour durable à l'équilibre budgétaire passe inévitablement par une réforme sur le financement du système de santé.

Pierre Fortin : On se donnerait beaucoup plus de chances d'arriver à l'équilibre budgétaire si on enclenchait une réforme en profondeur de la santé. La santé accapare 45 % des dépenses de programmes et son budget a connu une croissance de 6 % par année depuis 10 ans, alors que l'économie se dirige vers une croissance annuelle de 3,5 %. Notre capacité de contrôler les dépenses va dépendre en grande partie de notre capacité à contrôler la santé.

LPA : Que pensez-vous des arguments du regroupement de syndicats appelé l'Alliance sociale qui demande le report de l'équilibre budgétaire ?

P.F. : L'Alliance sociale dit que c'est dangereux que l'on retombe en crise et elle a peur que la social-démocratie prenne un coup de vieux. C'est un mauvais argument. Notre reprise est plus solide que presque partout ailleurs. La seule social-démocratie viable, c'est celle qui paie ses factures. C'est l'enseignement que les Suédois nous ont donné. Ils font toujours des surplus budgétaires. Le gouvernement en impasse financière ne peut pas aller vers le progrès social, il n'a pas d'argent pour le faire. Quand on a eu de l'argent après le déficit zéro, on a eu l'assurance médicaments, les garderies à 7 $, la prime au travail, le soutien aux enfants, les congés parentaux. C'est la preuve que quand l'argent est là, on a le progrès social.

LPA : Pour augmenter la productivité des Québécois, vous demandez au gouvernement de favoriser la concurrence.

P.F. : On a des monopoles au Québec. On en a un dans l'électricité. On en a un dans l'agriculture avec l'Union des producteurs agricoles (UPA). Ça nous nuit. Quand j'entends les jeunes en agriculture, ils se plaignent de l'UPA. Autrefois, on avait besoin de protection, mais là, on a besoin de liberté.

Dans la construction, il faut se poser la question : comment ça se fait qu'il y ait des bandits ? C'est parce qu'on a un système où les associations syndicales ont un contrôle tellement puissant sur la main-d'oeuvre qu'un entrepreneur d'envergure, s'il veut diminuer son risque (de dépassement de coûts et de respect d'échéancier), est forcé de faire une entente avec les associations syndicales avant d'ouvrir son chantier. Évidemment, ça donne lieu à des rencontres en catimini.