Après deux années misérables, la Caisse de dépôt affiche un des meilleurs rendements de l'industrie du placement pour 2010, première année entièrement signée par l'administration de Michael Sabia.

«Nous sommes de retour dans la course en mode offensif, a commenté hier le président et chef de la direction de la Caisse. Mais la course est un marathon, pas un sprint», a-t-il pris soin d'ajouter.

La Caisse de dépôt a obtenu un rendement de 13,6% sur ses placements, ce qui la place parmi les meilleurs gestionnaires de 2010. En comparaison, le rendement des meilleurs gestionnaires de caisses de retraite de 1 milliard de dollars et plus a été de 11,9%, selon RBC Dexia.

Cette performance «reflète les principes du gros bon sens que nous avons mis de l'avant au début de l'année», a dit le patron de la Caisse lors d'une conférence de presse suivie avec intérêt par les employés du haut des galeries de l'immeuble de la place Jean-Paul-Riopelle.

Le rendement de 13,6% a permis d'ajouter 17,7 milliards à l'actif de la Caisse. Mais la plus grande partie de cette valeur ajoutée ne vient pas du talent de ses gestionnaires. Elle provient d'une réévaluation purement comptable de ses investissements, qui avaient perdu de la valeur pendant la récession. Cette réévaluation a généré 11,6 des 17,7 milliards de valeur ajoutée au portefeuille en 2010.

L'actif net de la Caisse a augmenté à 151,7 milliards en 2010, mais il reste encore inférieur à ce qu'il était en 2007.

«On ne peut pas changer l'histoire», a dit Michael Sabia à propos de 2008, annus horribilis au cours de laquelle la Caisse a perdu 40 milliards dans le papier commercial et les prêts hypothécaires à haut risque.

L'important, selon lui, est que «la Caisse a retrouvé la santé».

«Nous avons livré la marchandise pour l'année 2010 et pour les six mois précédents», a-t-il souligné.

Les principaux déposants à la Caisse de dépôt ont obtenu des rendements variant entre 13,3% et 14,3%, selon leurs choix d'investissements. La bonne nouvelle pour tous les Québécois, c'est que le rendement de la Régie des rentes se situe au plus haut de cette fourchette, à 14,3%.

Un revirement

En 2009, en pleine restructuration, la Caisse de dépôt avait obtenu un rendement de 10%, presque 5% de moins que la médiane des caisses de retraite canadiennes.

En 2010, ses gestionnaires ont surpassé leur portefeuille de référence de 4,1%. Neuf des onze portefeuilles qu'ils gèrent ont fait mieux que leurs indices de référence. Les deux exceptions sont le portefeuille d'actions canadiennes, dont le rendement de 15,7% est inférieur de 1,9% à l'indice, et la répartition de l'actif, qui a coûté 77 millions.

En appliquant les règles comptables de la valeur de liquidation (mark-to-market), la Caisse rapporte des rendements étonnants pour ses investissements dans les infrastructures (25,4%), une catégorie qui regroupe notamment les aéroports de Londres (BAA), Enbridge et Gaz Métro.

Il s'agit d'actifs «extrêmement résilients», a expliqué Normand Provost, le responsable de ce portefeuille. Il a précisé que malgré une baisse de 2,8% du trafic, BAA a réussi à augmenter son bénéfice d'exploitation de 9% en 2010.

De même, les placements privés affichent un rendement de 26,7%, dont le quart provient d'une seule entreprise, Quebecor Media. Malgré cette performance, la valeur de cet investissement reste encore bien en deçà des 3,1 milliards déboursés par la Caisse pour sa part de Quebecor Media il y a 10 ans.

Même les infâmes PCAA, rebaptisés BTAA (billets à terme adossés à des actifs), qui ont fait couler la Caisse en 2008, ont contribué positivement à son rendement en 2010. La réévaluation de ce portefeuille a ajouté 0,4% au rendement global, soit 509 millions.

Le fonctionnement de la Caisse a coûté 257 millions en 2010, soit 7 millions de plus qu'en 2009. La plus grosse partie de ces dépenses est allée en salaires aux 700 employés (122 millions). L'abandon d'outils informatiques commandés par l'ancienne administration a coûté 35 millions.

Un plan d'action

Michael Sabia estime que la Caisse a maintenant les fondations solides qu'il lui faut pour bâtir l'avenir. Il promet pour le printemps ou l'été un plan qui établira une stratégie d'investissement pour les marchés émergents.

L'année en cours lui paraît pleine de défis, à commencer par la crise au Moyen-Orient et la flambée des prix du pétrole.

Les effets de cette crise sont mitigés, a-t-il expliqué. D'une part, la hausse du prix du pétrole profite aux entreprises canadiennes des ressources naturelles dans lesquelles la Caisse a investi. D'autre part, les prix du pétrole, s'ils restent élevés, menacent la reprise économique mondiale encore fragile.

Les bons résultats de la Caisse pour 2010 n'ont pas soulevé autant de réactions que les mauvais des deux années précédentes. L'opposition officielle a toutefois tenu à «apporter un bémol aux réjouissances».

Selon le porte-parole du Parti québécois, Jean-Martin Aussant, la Caisse n'a pas récupéré ses pertes de 2008 et sera encore en mode rattrapage en 2011. «Quand on exclut les versements additionnels versés par les déposants depuis 2008, il manque toujours 10 milliards pour reconstituer l'actif net qui était celui de la Caisse en 2007», a-t-il souligné.

RENDEMENT 2010 (en milliards)

RENDEMENT GLOBAL

13,6%

ACTIF NET

151,7 milliards

RÉPARTITION DE L'ACTIF

REVENU FIXE

55,6 milliards

15%

PLACEMENT SENSIBLES À L'INFLATION

22,0 milliards

37%

ACTIONS

72,4 milliards

48%

Source : Caisse de dépôt et placement du Québec