Les jeunes doivent s'intéresser davantage aux caisses de retraite s'ils ne veulent pas se retrouver le bec à l'eau, a plaidé mercredi Claude Lamoureux, qui a fait sa marque à la barre du Régime de retraite des enseignants de l'Ontario (Teachers).

«Le danger aujourd'hui, c'est que les jeunes ne sont pas impliqués dans les questions de régimes de retraite. (Pour eux), la retraite, c'est quelque chose qui n'arrivera jamais. Or la retraite, on va tous passer par là», a souligné M. Lamoureux à l'occasion d'un colloque organisé par le Fonds de solidarité FTQ et l'Institut du Nouveau Monde.

L'actuaire a cité l'exemple des Pays-Bas, où les jeunes ont activement participé aux travaux de réflexion sur l'avenir des régimes de retraite. Partout dans le monde occidental, les caisses de retraite font face à une crise structurelle causée par le vieillissement de la population, la croissance de l'espérance de vie et la faiblesse des taux d'intérêt.

Pour Claude Lamoureux, les solutions aux problèmes actuels sont évidentes: il faut hausser «le plus rapidement possible» l'âge de la retraite à 67 ans, voire davantage; augmenter le taux de cotisation du Régime de rentes du Québec (RRQ) et, dans le cas des régimes privés, partager le risque entre les employés et les employeurs, comme c'est le cas aux Pays-Bas.

Puisque l'espérance de vie à 65 ans augmente d'environ un mois chaque année, M. Lamoureux croit qu'il faudrait prévoir un mécanisme qui permettrait le relèvement automatique de l'âge de la retraite au fil des ans.

Le légendaire financier en a appelé au réalisme: à ses yeux, trop d'actuaires font preuve de «complaisance» et minimisent indûment les problèmes de capitalisation des régimes de retraite. Il a également reproché au RRQ et au Régime de pensions du Canada (RPC) de ne pas produire des rapports annuels suffisamment détaillés. Pour tout dire, ses remontrances n'ont épargné personne.

«Tout le monde est un peu complice de la situation actuelle, a-t-il lancé. (...) Personne ne veut payer (pour des prestations stables). Tout le monde s'est fermé les yeux. (...) Le temps est venu de dire les choses comme elles le sont et non pas comme on pense qu'elles devraient l'être.»

L'homme de 68 ans a néanmoins estimé que la faiblesse des taux d'intérêt était une «bonne nouvelle» puisqu'elle laissait entrevoir une remontée et, par ricochet, un redressement du rendement des caisses de retraite.

De son côté, le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), Michel Arsenault, a prôné avec force l'idée de doubler les rentes du RRQ, soutenant que la mise en commun de l'épargne-retraite était plus avantageuse que les initiatives individuelles.

L'actuaire en chef du RRQ, Pierre Plamondon, ne l'a pas contredit, mais il a fait valoir que la priorité demeurait le financement adéquat du système actuel. Selon la Régie des rentes, le taux de cotisation devra bientôt passer de 9,9 à 11 pour cent pour assurer la viabilité du régime à long terme.

Mieux qu'avant

M. Plamondon a fait remarquer que de façon générale, la situation des retraités s'est améliorée de façon notable au cours des dernières décennies. La proportion des gens de 65 ans et plus vivant sous le seuil de la pauvreté est passée de 25 pour cent en 1981 à deux ou trois pour cent de nos jours. L'expert a toutefois convenu qu'au Québec, le taux de remplacement du revenu à la retraite figurait parmi les plus bas du monde industrialisé.

Pour ce qui est de hausser l'âge de la retraite, Pierre Plamondon a souligné que le Québec ne pouvait agir seul et qu'il fallait «se concerter» avec le reste du Canada pour éviter toute disparité entre le RRQ et le RPC.

Outre la hausse des cotisations, Québec s'apprête également à réduire - voire abolir - les mesures actuelles qui incitent les travailleurs à prendre leur retraite avant 65 ans. M. Plamondon a avancé une autre solution: réduire les prestations en fonction de la croissance de l'espérance de vie, une proposition qui risque de susciter des remous.

L'actuaire Michel Saint-Germain, partenaire chez Mercer, a prédit que la plupart des entreprises allaient se départir de leurs régimes à prestations déterminées (PD) à moyen terme en raison de leur «très mauvaise réputation» en matière de coûts.

Ce serait une grande perte pour les salariés, puisque les régimes à PD sont nettement plus avantageux que ceux à cotisations déterminées (CD), ont rappelé MM. Arsenault et Lamoureux. Ces derniers ont d'ailleurs déploré que plusieurs dirigeants conservent des régimes à PD pour eux tout en confinant leurs employés à des régimes à CD.

«Si c'est bon pour eux, ça doit être bon pour nos membres», a fait remarquer Michel Arsenault.

M. Saint-Germain a soutenu qu'il fallait envisager sérieusement la création d'un régime volontaire multiemployeurs qui favoriserait l'épargne-retraite. M. Lamoureux trouve l'idée intéressante, à condition de ne pas obliger les travailleurs à y contribuer, comme l'a récemment suggéré l'ex-ministre Claude Castonguay.

Entre 30 et 40 pour cent des Québécois ne disposent pas d'un revenu satisfaisant à la retraite. Comme près de la moitié des travailleurs ne sont pas couverts par un régime de retraite privé, la situation est peu susceptible de s'améliorer.

En fait, compte tenu de la crise actuelle, près des trois quarts des retraités pourraient ne pas avoir un revenu suffisant dans 40 ans si rien n'est fait.