Le Château Frontenac, de Québec, le Royal York, de Toronto, et le Reine Elizabeth, de Montréal, auront prochainement un nouveau propriétaire. La Caisse de dépôt a choisi de se retirer du secteur hôtelier, a confirmé à La Presse Affaires, le président et chef de la direction de SITQ, Bill Tresham, au cours d'une entrevue à son bureau du Centre CDP.

«Dans les deux ou trois prochaines années, on va probablement sortir du marché de l'hôtellerie. L'hôtellerie est une industrie risquée qui prend beaucoup de capital pour un rendement comparable à ce que je peux obtenir dans le marché des bureaux. Ce n'est probablement pas notre métier, l'hôtellerie», a-t-il fait valoir lors de l'entrevue qui a duré une heure.

Le désinvestissement se fera graduellement. «On a des propriétés prêtes à être vendues. Il s'agit de bons immeubles dans des marchés forts dans lesquels on a mis de l'argent. On va les mettre sur le marché cette année, probablement assez tôt dans l'année», a précisé l'ancien homme fort de TrizecHahn au Québec, qui a répondu en français à toutes nos questions sur la stratégie qu'entend suivre SITQ au cours des prochaines années.

M. Tresham n'a pas voulu préciser quel portefeuille serait mis en vente en premier. La Caisse a toutefois rénové en 2008 et 2009 les Westin de Calgary, Vancouver, Ottawa et Toronto. Cinq Westin sont détenus avec Starwood Capital Group, qui est aussi partenaire de la Caisse dans l'hôtel boutique W Montréal, adjacent au Centre CDP.

Outre la bannière Westin, la Caisse possédait, au 31 décembre 2009, des participations dans 55hôtels arborant les bannières Hilton, Fairmont, Crowne Plaza et Holiday Inn. Son partenaire Westmont Hospitality Group s'occupe de la gestion quotidienne des établissements.

Pour ce diplômé des universités Princeton et McGill, la période est propice à une vente ordonnée de ces éléments d'actif, car l'industrie hôtelière prévoit une reprise et beaucoup de capitaux sont prêts à être placés dans le secteur.

La Caisse est présente dans l'hôtellerie depuis plusieurs années par le truchement de son ex-filiale Cadim. Elle a notamment participé à l'aménagement de l'hôtel Germain au centre-ville de Montréal en 1998. En 2006 et 2007, son portefeuille hôtelier a crû de façon exponentielle. Elle a d'abord mis le grappin sur la chaîne Boykin. Par la suite, elle faisait l'acquisition des anciens hôtels du Canadien Pacifique regroupés au sein de la fiducie Legacy, comme le Château Frontenac. Peu de temps après, elle achetait la chaîne Red Roof avec Desjardins.

En 2009, SITQ a intégré Cadim. SITQ est la filiale immeubles de bureaux. Cadim était un investisseur plus «cow-boy». Cadim investissait dans des hôtels, des immeubles multirésidentiels, des portefeuilles de dettes en détresse et des fonds immobiliers privés.

Aujourd'hui, il ne reste plus grand-chose de Cadim, s'il faut croire les propos de M. Tresham, sauf peut-être le portefeuille multirésidentiel. M. Tresham est en train de décider si le multilocatif ne deviendra pas le troisième pilier du groupe immobilier, avec les centres commerciaux (Ivanhoé Cambridge) et les bureaux.

Fini les partenariats avec les fonds privés

Par contre, son idée est faite à l'égard des fonds privés, les Lone Star, Blackstone et Cherokee. «Les fonds privés veulent rouler leur argent aux trois ou quatre ans. On met 95% de l'argent et eux mettent 5% d'équité. Ils prennent des frais. Ce n'est pas le genre de partenaires dont nous avons besoin», dit-il.

M. Tresham veut dorénavant ne s'associer qu'avec des investisseurs institutionnels, comme le fonds souverain de Singapour, parce qu'ils partagent les mêmes objectifs de rendement à long terme et le même profil de risque. Le retrait des sommes dans les fonds privés se fera, là aussi, de façon ordonnée.

Il s'agit d'un changement stratégique majeur. En 2009, SITQ avait 3,7 milliards investis dans une cinquantaine de ces fonds. Aujourd'hui, au dire de son patron, elle a réduit de 80% ses avoirs dans ces fonds, qui se situent maintenant «bien en bas d'un milliard de dollars», précise-t-il.

Longtemps, la Caisse s'est servie de fonds semblables pour obtenir une diversification géographique dans des pays qui lui étaient étrangers. Encore récemment, la Caisse avait les yeux sur l'Inde par l'entremise du Fonds India Property Fund. Aujourd'hui, SITQ entretient des ambitions passablement plus modestes à l'égard des pays émergents. Le grand patron de la Caisse, Michael Sabia, a clairement indiqué que la Caisse n'investira pas en Russie, un marché que STIQ a longuement étudié.