Le loyer exigé dans les nouvelles résidences pour personnes âgées augmentera de 30 à 50$ par mois pour compenser l'augmentation des coûts liée à la hausse de la TVQ.

L'affirmation est de Luc Maurice, président du Groupe Maurice, propriétaire de 14 résidences, hébergeant 4800 personnes âgées et employant 1040 personnes.

«Sur le terrain, l'impact pour notre clientèle sera entre 30$ et 50$ de plus sur le loyer mensuel», dit M. Maurice. L'estimation vaut pour une nouvelle résidence de 250 places où la hausse de la TVQ entraîne une augmentation des coûts de 1 million.

Le problème de Luc Maurice et des autres propriétaires d'immeubles multilocatifs est que le gouvernement provincial n'a pas bonifié son crédit de TVQ à leur intention, alors qu'il l'a bonifié pour les acheteurs de maisons neuves et de copropriétés pour parer à l'effet négatif de la TVQ à 8,5% (et 9,5% en 2012).

«L'absence de modifications dans le secteur locatif provoque une situation inéquitable liée à l'usage même de l'habitation», a décrié Jean-Paul Filion, directeur Service économique et affaires gouvernementales de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, dans une publication interne. À valeur égale, une unité d'habitation neuve comprendra un niveau de taxes plus élevé selon qu'elle soit vendue ou louée.»

Dans le cas des condos et des maisons neufs, le crédit de TVQ est passé au 1er janvier 2011 de 36 à 50% de la TVQ payée. La valeur maximale de l'habitation ne doit pas dépasser 300 000$. Le remboursement maximal est fixé à 8772$.

Dans le cas du multilocatif, le crédit est resté à 36%. Pour 100$ de TVQ payées, le gouvernement rembourse 36$ au propriétaire.

«Le remboursement partiel de la TVQ n'ayant pas été ajusté à la hausse en fonction du nouveau taux de taxe, le coût de construction augmentera, incidemment le coût des loyers», déplore, dans un communiqué, l'Institut de développement urbain du Québec, le lobby de l'industrie immobilière.

Un million à trouver

Comment arrive-t-on à une hausse du loyer mensuel de l'ordre de 25 à 50$ par mois?

Selon le raisonnement des proprios, une résidence de 250 logements coûte environ 50 millions de dépenses taxables. Si la TVQ augmente de 2 points en deux ans, ça représente grosso modo 1 million de plus en TVQ en 2012.

Ce million additionnel, le promoteur doit le trouver. Ce sera bien souvent sous forme d'un prêt mezzanine, plus risqué que l'hypothèque traditionnelle de premier rang. Le prêt mezzanine commande un taux d'intérêt de 10 à 15% environ.

«Le banquier prête en fonction de la valeur économique d'un immeuble et non pas en fonction du coût», explique Luc Maurice. La valeur économique est déterminée par le produit entre un multiplicateur, de 12 par les temps qui courent, et le revenu net d'exploitation de la résidence (revenu moins les dépenses d'exploitation sans les intérêts).

Comme une hausse de taxes n'augmente en rien le revenu net d'exploitation, le prêteur de premier rang n'avancera pas cette somme, d'où le prêt mezzanine.

Donc, un prêt de 1 million financé pendant 15 ans à 12% entraîne des débours de 12 000$ par mois. Ce montant, divisé par 250 logements, se traduit par une hausse de loyer de 48$ par mois. Le loyer moyen de ce type de résidence est de 1500$ par mois.

«Il y a un impact qui va se répercuter inévitablement sur les loyers, renchérit Yves Desjardins, PDG du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA). Il faut qu'il y ait quelqu'un qui paie ce surplus-là.»

Baisse de l'offre à prévoir

M. Desjardins craint également que la hausse de taxe ne décourage des promoteurs à bâtir de nouvelles résidences.

Depuis quelques années, environ la moitié des nouveaux logements locatifs sont en fait des résidences pour personnes âgées.

Dans la région de Montréal, il s'est construit annuellement entre 2500 et 3200 logements en résidence de 2003 à 2007, dit Bertrand Recher, analyste de marché à la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) qui publie en février une étude sur ce segment de marché.

Depuis 2008, la construction est en baisse. La demande a faibli. Aujourd'hui, ce sont les enfants de la dépression des années 30, moins nombreux que les cohortes précédentes et suivantes, qui fêtent leur 75e anniversaire. C'est l'âge où on commence à songer à entrer en résidence.

En 2010, la SCHL s'attend à moins de 1000 nouveaux logements pour personnes âgées dans la région métropolitaine de Montréal. Les statistiques de la SCHL comptabilisent uniquement les logements des ensembles de 20 unités et plus.