C'est demain que seront publiés les chiffres de décembre sur l'emploi au Canada et aux États-Unis. À moins d'un revirement majeur, 2010 aura été une bonne année à ce chapitre, au Canada comme au Québec, où on a plus que récupéré l'emploi perdu pendant la récession. Qu'en sera-t-il en 2011? Le secteur privé des services semble prêt à prendre le relais de la fonction publique.

Le moteur de l'économie québécoise a fini l'année 2010 en tournant au ralenti. Cela dit, la création d'emplois va se poursuivre en 2011.

Les gains se feront dans le secteur des services, prévoient les spécialistes, le commerce de détail, les finances et la santé en tête. «Ce sont des secteurs qui devraient normalement contribuer à l'emploi dans les prochaines années», indique Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins.

La coopérative financière prévoit 60 000 nouveaux emplois au Québec en 2011, moins que les 75 000 emplois observés en 2010.

Les Boules de cristal, ces prévisions effectuées par des économistes réputés publiées dans La Presse Affaires, estiment à 48 500 les emplois qui seront créés dans l'année qui commence.

Normand Roy, économiste et directeur de l'analyse et de l'information sur le marché du travail chez Emploi-Québec, entrevoit, pour sa part, un gain de 58 000 emplois en 2011.

Il ne serait nullement surpris que le nombre soit moins élevé au bout du compte «parce que 2010 a été meilleure qu'anticipé, dit-il. La création d'emplois est dépendante des gens qui sont sur le marché du travail. Si on leur donne du travail plus rapidement en 2010, on aura moins de création d'emplois en 2011», explique-t-il.

Le Québec et le Canada sont en effet sortis rapidement de la récession en 2010. Les emplois perdus en 2008-2009 ont tous été récupérés depuis le mois d'août dernier. «Le marché du travail canadien est déjà en expansion», écrit la Banque Nationale dans son Mensuel économique.

Démographie défavorable

Un retour à un rythme plus normal de création d'emplois est donc prévu en 2011. Des raisons démographiques expliquent aussi la croissance timorée des chiffres sur l'emploi.

«Selon les projections de l'Institut de la statistique du Québec, la population âgée de 15 à 64 ans augmentera à peine au cours des deux prochaines années et elle amorcera même une diminution à compter de 2014», écrivent les économistes de Desjardins dans leurs prévisions de l'hiver 2011.

L'équation est simple: pas de croissance de population active, pas de nouveaux emplois. «La croissance de l'emploi sera plus faible parce qu'il y aura moins de gens à employer», souligne Normand Roy, d'Emploi-Québec.

Le beau côté de la médaille est que le taux de chômage diminuera plus rapidement qu'en moyenne au Canada.

«La croissance de l'emploi va être freinée, mais quand on regarde le taux de chômage, donc le nombre de personnes qui voudraient travailler mais qui n'ont pas d'emploi, il va y avoir des pressions à la baisse», explique Benoit P. Durocher, de Desjardins.

D'où viendront les emplois?

Où se fera-t-elle, cette croissance des emplois? Moins dans le secteur de la fabrication de biens, qui continue à souffrir de la force du huard et de la faiblesse de l'économie américaine, et plus dans les services comme le commerce de détail. Il s'est en effet perdu 80 000 emplois dans le secteur manufacturier depuis 2006 au Québec, dont 40 000 depuis deux ans.

La résilience de l'économie québécoise repose essentiellement sur sa demande intérieure. L'État y est pour beaucoup avec ses investissements massifs dans les infrastructures. Or, les dépenses gouvernementales vont s'amenuiser avec l'échéance prochaine des plans de relance économique.

À part l'État, les consommateurs sont un autre moteur de la demande intérieure. Les hausses du revenu personnel disponible et de la rémunération hebdomadaire ont eu un impact favorable sur les dépenses de consommation. La confiance des ménages reste à un niveau près de la moyenne historique.

«On s'attend à une croissance de l'emploi de 1 à 1,2% en 2011», dit Jocelyn Desjardins, porte-parole du Conseil québécois du commerce de détail, dont l'industrie regroupe 452 000 emplois.

Cette hausse plutôt timide trouve son explication dans les prélèvements fiscaux additionnels (TVQ, cotisation santé, taxe sur l'essence) sur les consommateurs qui viendront limiter l'impact positif de la création d'emplois et de la hausse des revenus.

Outre le commerce de détail, les nouvelles sont bonnes dans les services financiers. Il s'y est créé 10 000 postes dans les 11 premiers mois de 2010, dépassant le niveau d'emploi d'avant récession.

La construction est un autre secteur qui sera à surveiller même s'il ne fait pas partie des services.

Au net, il s'ajoutera environ 3000 emplois dans la construction en 2011; une estimation fondée sur une moyenne de 1000 heures travaillées par travailleur pour un total de 144 millions d'heures déclarées.

Le secteur non résidentiel reste très robuste, aidé par les plans de relance des gouvernements. Cette année sera probablement la dernière année de très forte activité dans le secteur de la voirie et du génie civil. Le secteur industriel, avec les mines et les alumineries, et le secteur commercial, devront prendre la relève par la suite.

Par contre, le secteur résidentiel ralentira avec la baisse prévue de 6% des mises en chantier, passant de 51 000, en 2010, à 47 000 unités, en 2011.

«On anticipe que le volume d'heures va continuer de monter jusqu'à 150 millions d'heures en 2015 en dépit d'une baisse du résidentiel», dit Louis Delagrave, économiste et directeur de la recherche économique à la Commission de la construction du Québec.

Finalement, l'effectif du secteur de la santé n'a pas cessé d'augmenter ces dernières années. «Ça va continuer d'être un moteur en 2011, croit Normand Roy. C'est une tendance lourde non seulement au Québec mais dans la plupart des sociétés comparables.»

Les syndicats se montrent davantage pessimistes (voir autre texte). Ils ne s'attendent qu'à du renouvellement de main-d'oeuvre et à très peu de croissance de personnel.