La commande du jour est affichée aux cuisines: buffet de Noël pour 85 personnes. À 14h, le 20 décembre, chez Cuisine-Atout, on achève les salades, on met la dernière main aux sandwichs, pour une livraison à 17h.

«C'est ça, la qualité, lance le directeur général Guy Thibault. Ce qui va être servi à 5h de l'après-midi, on le fait à 2h, pas à 8h le matin.»

Car cette entreprise d'insertion s'est donné un objectif: «Être à la fine pointe, tant pour la formation que le service», décrit-il.

Cuisine-Atout combine un service de traiteur et un café-bistro, joliment aménagé dans ses nouveaux locaux, rue Grand Trunk, dans le quartier Pointe Saint-Charles. Au menu ce jour-là: crème de poireau, braisé de veau aux champignons, gâteau garni de crème et de pêches. Très bon.

Derrière les comptoirs, cinq femmes s'activent, trois vêtues de blanc et deux de noir. Les premières apprennent le métier, les secondes sont également formatrices.

La cuisine, en retrait dans un autre local de cette ancienne école, comporte une salle consacrée à la préparation des repas et buffets, et une autre à la formation.

Contrairement à la plupart des entreprises d'insertion, où le parcours dure six mois, les participants passeront 36 semaines chez Cuisine-Atout.

Car sous ses précédents avatars Alpha-Cuisine, puis Cuisine-Plus, l'organisme qui est devenu Cuisine-Atout a toujours eu une vocation d'alphabétisation.

Lors d'une journée typique, les participants suivront en matinée des cours de français et de mathématiques, donnés dans de petites salles d'une douzaine de places. L'après-midi sera consacré à la formation personnelle et sociale. Au programme le lendemain: théorie de techniques culinaires puis atelier en cuisine.

«Le défi le plus important est de livrer le même produit qu'un traiteur privé, mais avec des gens en apprentissage», constate Guy Thibault, passionné qui a lui-même longtemps travaillé en restauration. «Il faut avoir plus d'yeux que de mains.»

Cuisine-Atout se défend très bien. C'est elle qui a fourni un buffet pour 500 personnes, lors de la prestation de serment des élus de la Ville de Montréal, en novembre 2009.

«C'est l'événement pour lequel je suis le plus fier qu'on ait obtenu la commande, confie-t-il. Et ce n'est pas parce que le maire nous aime bien. Deux mois plus tôt, on avait répondu à une demande de soumission et on avait été choisis.»

Les participants sont en apprentissage d'un métier, mais également de la vie en milieu de travail. Guy Thibault cite l'exemple d'une employée qui a avisé un lundi matin qu'elle serait absente toute la semaine, parce qu'une tante habitant en région venait de décéder. Auparavant sans contrainte de temps, elle n'avait aucune notion des usages chez un employeur.

«Mentalement c'est plus difficile, dit le sous-chef Anthony Grève. Avant, à la fin de mes journées, j'avais mal aux jambes. Ici, j'ai mal aux jambes et à la tête.»

Il ne regrette pourtant pas ses maux d'antan. «J'ai beaucoup plus de satisfaction, car vous faites plaisir à vos clients et vous formez en même temps des jeunes.»

Des jeunes comme Catherine, délicate blonde qui achève son séjour chez Cuisine-Atout. «Je veux retourner aux études, confie-t-elle, faire une technique au cégep pour devenir éducatrice en garderie.»

Il importe peu que ce ne soit pas en art culinaire.