À l'heure du bilan, Guy Chevrette avertit que le secteur forestier aura du mal à suivre la cadence lorsqu'il y aura une reprise dans l'industrie, en raison du manque de main-d'oeuvre.

«C'est notre plus grande crainte, a lancé l'ex-ministre en entrevue avec La Presse Canadienne. Nous travaillons pour attirer la main-d'oeuvre mais, croyez-le ou non, les options en foresterie dans les cégeps sont presque toutes fermées à travers le Québec. Nous sommes obligés de les former en usine. S'il y avait une reprise maintenant, il nous manquerait de 2000 à 3000 personnes certifiées.»

M. Chevrette, qui aura présidé mardi sa dernière réunion du Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ), a lancé ce cri d'alarme à la veille de son départ à la retraite.

Il admet, d'ailleurs, que son règne de cinq ans et huit mois au Conseil aura été passablement mouvementé.

«Je voulais finir dans l'entreprise privée, mais je ne croyais jamais que la crise aurait duré aussi longtemps. Je suis arrivé au début de la crise et elle n'est pas encore finie! J'ai trouvé ça difficile de gérer la décroissance. C'est extrêmement dur.»

Il se console toutefois du fait que des signes de reprise commencent à se manifester timidement.

«Il y a une lueur présentement. Ça va aller lentement, mais ça va aller vers une pointe en 2014 où je crois bien qu'on aura une pleine reprise. Mais d'ici là, ça va reprendre lentement, mais sûrement.»

Cette lenteur de la reprise s'explique par le fait que le nombre de permis de construction aux États-Unis, qui se situe aux environs de 2,2 millions par année, n'est plus que de 400 000. Mais même s'il y a reprise, Guy Chevrette reconnaît que l'industrie demeure constamment sous l'épée de Damoclès des mesures protectionnistes de nos voisins du Sud, qui ont d'ailleurs été à l'origine, selon lui, de la crise du bois d'oeuvre et de la crise généralisée de l'industrie forestière.

D'où la nécessité, dit-il, de se diversifier.

«Je prédis un bel avenir pour l'industrie forestière, mais ça ne sera plus exclusivement des produits traditionnels de construction. Il en restera, c'est sûr, parce que c'est important la construction en bois, mais je suis convaincu qu'on va travailler beaucoup sur les composantes de la fibre de bois.»

Il note à cet effet le développement de nouveaux partenariats avec d'autres industries, notamment les plastiques pour la fabrication de composites avec la fibre de bois, ou encore l'utilisation de fibres pour fabriquer de la mousse isolante, de la pâte de rayonne et l'utilisation éventuelle de la biomasse disponible dans les résidus.

La tendance, précise-t-il, est déjà bien réelle.

«Le Québec est bon premier au Canada pour les produits à valeur ajoutée et il faut continuer dans cette voie parce que plus nous diversifierons notre panier de produits, moins nous seront touchés par des crises du bois d'oeuvre.»

M. Chevrette prévoit une diversification non seulement des produits, mais aussi des marchés, notant que la demande est forte en Asie, au Moyen-Orient et même en Europe. Il souligne que la Colombie-Britannique, qui exporte en masse vers l'Asie, verra sa capacité de production réduite de façon considérable puisque la province doit couper une portion importante de sa forêt afin d'enrayer une infestation parasitaire de ses conifères.

Guy Chevrette entend prendre quelques semaines de vacances avant de se consacrer à l'écriture de ses mémoires. Bien qu'il n'ait pas l'intention de reprendre un emploi à temps plein à l'âge de 70 ans (il en aura 71 en janvier), il n'écarte pas la possibilité d'accepter des petits contrats de temps à autre.

Guy Chevrette a d'abord été enseignant, puis syndicaliste avant de se lancer en politique sous la bannière péquiste, un engagement qui l'a occupé durant 25 ans et au cours duquel il a dirigé une douzaine de ministères, dont ceux de la Santé, des Transports, des Ressources naturelles, de la Forêt et des Affaires autochtones.

Bien connu pour sa verve colorée, il promet quelques anecdotes savoureuses dans ses mémoires.