L'économie a été un peu plus forte que prévu l'an dernier, mais des jours difficiles se dessinent à l'horizon.

Faisant le point sur les finances publiques du Québec, le ministre Raymond Bachand a prévenu que le déficit de l'année en cours serait de 100 millions de dollars supérieurs à la prévision du budget du printemps dernier, à 4,6 milliards.

Les déficits des deux années subséquentes sont haussés de 300 et 200 millions, à 3,2 milliards et 1,4 milliard, des «provisions» nécessaires en prévision d'une économie moins vigoureuse que prévu.

Mais pour l'année précédente, terminée en avril 2010, le déficit a cependant été surestimé de 1,1 milliard, à 3,2 milliards, plutôt que 4,3 milliards, révèlent les états financiers du gouvernement, déposés hier à l'Assemblée nationale.

Toutefois, comme on prévoit que la croissance sera moins forte que prévu l'an prochain, soit 2,2% au lieu des 2,6% anticipés, Québec maintient intact son plan de match pour le retour au déficit zéro qui doit encore arriver au dépôt du budget du printemps 2013.

La réduction du déficit de 2009-2010, «c'est la bonne nouvelle aujourd'hui, le marché du travail a été plus actif que prévu», a résumé hier, en conférence de presse, le ministre Bachand.

La baisse de 25% du déficit par rapport aux prévisions de ses fonctionnaires il y a huit mois seulement, s'explique selon lui par «la reprise économique de la fin de l'année 2009-2010 qui a été plus vigoureuse que prévu, ce qui a joué en notre faveur et a permis d'améliorer nos résultats».

Québec augmente une série de coussins, de «provisions» qu'il avait intégrées aux équilibres pour les prochaines années, 100 millions de plus dès maintenant, puis 300 et 200 millions respectivement pour les deux années suivantes. Il s'agit de «se prémunir» contre une croissance moins soutenue, explique M. Bachand, montrant du doigt les problèmes de l'économie américaine.

Dette: «une situation sérieuse»

D'autres aspects sont, pour leur part, moins reluisants: la dette brute passera de 163 milliards en 2010 à près de 200 milliards en 2014-2015. «C'est une situation sérieuse», convient M. Bachand, qui annonçait du même souffle le début de la consultation sur son budget du printemps 2011. Le problème de la démographie, et ses conséquences dévastatrices sur les finances publiques, sera au coeur de ces rencontres, prévoit-il.

Le Québec est actuellement favorisé par des bas niveaux d'intérêt, mais pourrait se retrouver en situation difficile pour peu que le loyer de l'argent augmente. Toutefois, insiste-t-il, les agences d'évaluation de crédit ont unanimement loué les efforts structurés de réduction de dépenses de Québec.

L'ouverture des tarifs d'électricité sur le «bloc patrimonial» permettra aussi de contrer la hausse du service de la dette. En outre, le poids de la dette par rapport au produit intérieur brut (PIB) sera ramené à son niveau actuel 53% dans cinq ans - il aura dépassé les 55% d'ici là.

M. Bachand a aussi reconnu que cette dette ne tenait pas compte des 20 milliards de dettes accumulées par les administrations municipales.

Le déficit du Québec compte pour 1% de son PIB, ce qui est mieux que l'Ontario, qui a un déficit (de 19,3 milliards) représentant 3,3% de son PIB.

Le Québec a aussi su mieux contrôler la croissance de ses dépenses, selon le ministre Bachand. De 2003-2004 à 2009-2010, le Québec a affiché une croissance annuelle moyenne de ses dépenses de 2,1 points de pourcentage inférieure à celle des autres provinces canadiennes, soit 5%, comparativement à 7,1% ailleurs au Canada.

Toutefois, si on compare les dépenses réelles sur les deux années, le tableau est moins reluisant. La croissance globale des dépenses est de 5,8% pour l'année financière terminée en avril dernier. Pour la santé, on parle d'une augmentation de 7% dans la dernière année. M. Bachand croit possible de ramener l'augmentation à 5% dans la santé grâce notamment passage au domaine public de médicaments coûteux comme le Lipitor, destiné à contrôler le cholestérol. Il y a aussi 130 millions de la campagne contre la grippe A (H1N1) qui ne se retrouveront pas au bilan de cette année.

La croissance des dépenses de programmes en 2009-2010 s'est révélée être plus importante que celle annoncée au dernier budget. Cette augmentation est de l'ordre de 810 millions. Elle se répartit presque également entre la nécessité d'augmenter les provisions pour pertes de Revenu Québec, et une hausse de 406 millions aux dépenses des établissements du réseau de la santé.

»Des valises»

Rare moment d'unanimité hier: péquiste et adéquistes s'entendaient pour ridiculiser l'opération du ministre Bachand hier. On nous prend pour des cons» de laisser tomber l'adéquiste François Bonnardel, tandis que le péquiste Nicolas Marceau accusait le ministre de «prendre les gens pour des valises».

Car, selon les deux députés, M. Bachand est carrément irréaliste quand il soutient que la croissance des dépenses du gouvernement sera ramenée à 2,8% pour 2010-2011. Le ministre fait grand cas d'une réduction de 1 milliard du déficit par rapport à ses prédictions du dernier budget. Or, si on avait été rigoureux dans la gestion des dépenses Québec serait allé chercher 800 millions de plus.

Selon le critique péquiste Nicolas Marceau, les nouvelles données publiées par M. Bachand sont truffées d'écritures comptables, des croissances estimées sur la base de prévisions. Selon lui, M. Bachand n'a aucune raison de se réjouir s'il prend connaissance de l'ensemble de la situation financière de Québec. La croissance de 2,2% qu'il prévoit pour 2011 est même teintée d'optimisme: la Banque Scotia prévoit plutôt 1,9%, a souligné le député péquiste de Rousseau.

Selon l'adéquiste François Bonnardel, force est de constater que, cette année, Québec a fait grimper de près de 10 milliards la dette publique liée aux déficits accumulés, un niveau record pour une seule année depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux en 2003.

Aussi, pour la septième année consécutive, le gouvernement libéral a considérablement sous-estimé la croissance de ses dépenses.

«S'ils ouvraient un kiosque pour vendre de la limonade devant le parlement, ils le mettraient en faillite», a ironisé M. Bonnardel.