À force de retarder des hausses de cotisation ou des diminutions de prestations, le gouvernement fragilise la santé financière du Régime des rentes du Québec (RRQ).

Son évaluation actuarielle en date du 31 décembre 2009 doit être déposée ces jours-ci à l'Assemblée nationale, mais on sait depuis plus d'un an et demi que la capitalisation du Régime s'effrite beaucoup plus vite que ce qui avait été anticipé lors de la précédente évaluation en date du 31 décembre 2006 qui était déjà inquiétante.

Dans une mise à jour de cette évaluation faite l'an dernier après les rendements désastreux de 2008 (attribuables à l'incurie de la Caisse de dépôt et placement), l'actuaire en chef, Pierre Plamondon, observait que le taux de cotisation d'équilibre à long terme qui permettrait de stabiliser la réserve à long terme est de 10,95%, alors qu'il s'élevait à 10,54% en 2006. Avant la contreperformance de la Caisse, la Régie avait recommandé au printemps 2008 une hausse des cotisations jusqu'à 10,4% à partir de 2011.

Or, le taux de cotisation effectif est de 9,9%, identique à celui du Régime de pension du Canada (RPC), son frère siamois.

Le seul fait de ne pas ajuster les cotisations à la hausse ou les prestations à la baisse accélère la détérioration du régime d'année en année.

Selon des informations glanées par La Presse, plusieurs recommandations de la Régie des rentes pour corriger la situation ont été bloquées au conseil des ministres, le printemps dernier.

À la différence du RRQ, le RPC vit une situation de légère surcapitalisation, selon sa récente évaluation actuarielle déposée il y a quelques jours. «Le taux de cotisation de 9,9% est suffisant pour les 75 prochaines années, explique en entrevue son actuaire en chef, Jean-Claude Ménard. Nous avons besoin d'un taux minimum de 9,86%. En plus, nos cotisations seront supérieures à nos sorties de fonds au cours des 10 prochaines années.»

Quel contraste avec le RRQ! Au taux de cotisation actuel, la réserve sera épuisée en 2037, alors qu'on croyait que ce serait en 2051 seulement, en 2006.

M. Ménard a fait adopter l'an dernier des modifications pour protéger la réserve du RPC, alors que le Québec n'a pas harmonisé son régime.

Ainsi, dès 2016, la réduction actuarielle imposée à ceux qui choisissent de toucher leurs prestations avant 65 ans correspondra aux coûts réels sur le RPC. La réduction est présentement de 6% par année de retraite devancée alors qu'elle coûte 7,2%.

Cela signifie qu'un retraité de 60 ans subira une réduction de 36% de ses prestations, en 2016, plutôt que 30% maintenant.

Rien de tel n'a été annoncé au Québec, alors que le choc démographique plus important devrait inciter les gens à rester au travail plus longtemps. «La formule actuelle est biaisée en faveur des gens de 60 ans», admet en entrevue M. Plamondon.

Dans son document Vers un RRQ renforcé et plus équitable, la Régie suggérait dès le printemps 2008 de faire passer la réduction de 6% à 7,4% à partir de 2011. C'est toujours lettre morte.

Quand le RRQ et le RPC ont été mis en place en 1966, le Québec avait la courbe démographique la plus avantageuse d'Amérique du Nord. Aujourd'hui, il a la plus coûteuse.

Le taux de fécondité a été plus faible pendant des années, mais, en plus, le Québec accueille moins d'immigrants, sans compter qu'il subit un solde migratoire interprovincial négatif presque tous les ans. «Au cours des 20 prochaines années, il n'y aura pas de croissance de la population de 20 à 64 ans», celle qui cotise au RRQ, observe M. Plamondon.

Outre la particularité démographique et des prestations un peu plus généreuses que celles du RPC (la rente de conjoint survivant par exemple), le RRQ souffre aussi de la relative pauvreté des Québécois. Une fois déduits 3500$, le salaire moyen à partir duquel les cotisations sont perçues est de 40 000$ pour le RRQ comparativement à 43 000$ pour le RPC.

Moins de cotisations signifie moins de revenus de placements potentiels.