Les Québécois se bercent-ils d'illusions? Dans une proportion de 91%, ils estiment que leur endettement est maîtrisé ou raisonnable, indique un sondage sur les attitudes et perceptions à l'égard des cartes de crédit, réalisé pour le compte de la Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ). Cette impression est partagée par 81% des jeunes de 14 à 21 ans.

«Ces chiffres ne sont pas alarmants, constate la consultante budgétaire Michèle Goyette, porte-parole de la CACQ. C'est ce qui nous alarme, d'ailleurs.» Car cette réponse au sondage est nettement plus optimiste que le portrait que tracent d'autres études. «On sent qu'il y a un décalage entre la perception de la situation d'endettement et la réalité», affirme Mme Goyette.

L'endettement des ménages canadiens a atteint le niveau inégalé de 145% de leur revenu disponible annuel, rappelle-t-elle. Une récente étude de l'économiste principale Hélène Bégin, de Desjardins, prévoit qu'en raison du niveau d'endettement des Québécois, la hausse inévitable des taux d'intérêt pourrait entraîner une augmentation de 17 à 33% du nombre des faillites personnelles d'ici à 2015.

«Dans nos associations, on le voit, les gens sont de plus en plus endettés et les demandes d'aide n'ont pas diminué depuis la dernière année», confirme Michèle Goyette. Au centre de consultation budgétaire Solutions budget plus de Sherbrooke, où elle travaille, de plus en plus de personnes désemparées sont dirigées vers eux par les services de santé.

Les jeunes

La carte de crédit est souvent la porte d'entrée au surendettement. Selon le sondage réalisé pour la CACQ, elle constitue un facteur d'endettement pour un Québécois sur cinq, qui admet que sa carte de crédit l'incite occasionnellement à dépenser au-delà des limites de son budget. La proportion est semblable chez les jeunes de 14 à 21 ans.

«Les gens ne sont pas assez informés sur le crédit et le budget, et ç'a un impact sur les jeunes, indique Mme Goyette. Ils voient leurs parents utiliser la carte de crédit, consommer, voire surconsommer, et ils entendent peu parler de budget. Les parents sont les premiers modèles pour les jeunes.»

Ce sont ces jeunes, justement, que vise la septième campagne de prévention de l'endettement de la CACQ, qui s'étend jusqu'à vendredi.

Sur le thème «Mordu du crédit? Dans la marge jusqu'au cou!», la campagne invite les jeunes à se méfier du piège tentant et facile de l'endettement. «Ce sont déjà de jeunes consommateurs, ils sont à l'affût des nouvelles technologies et ils sont très sollicités, observe Michèle Goyette. Le message qu'ils reçoivent, c'est qu'ils peuvent utiliser la carte de crédit sans problème, c'est normal et presque essentiel.»

Ils sont plus rétifs que leurs aînés, pourtant: 19% des jeunes de 14 à 21 ans considèrent la carte de crédit comme superflue, et 23% estiment qu'elle pose un risque pour leur santé financière.

Toutefois, comme leurs aînés, ils l'adopteront tôt ou tard. Elle est devenue un outil de paiement que 75% des Québécois jugent utile, voire essentiel, une opinion que partagent 58% des jeunes.

Mieux vaut donc apprendre à s'en servir. À cet égard, les jeunes peuvent visiter le site www.danslamargejusquaucou.com. «On suggère d'avoir une seule carte, avec une limite raisonnable, et, lorsqu'on l'utilise, que ce soit pour des achats budgétés, recommande Michèle Goyette. Si je suis capable de tout rembourser à la fin du mois, c'est que ça entre dans mon budget et ça ne viendra pas amputer les autres dépenses.»

Non à la sollicitation

À l'occasion de la campagne «Dans la marge jusqu'au cou», les associations de consommateurs réitèrent au gouvernement leur demande d'interdire la sollicitation et la publicité sur le crédit auprès des jeunes de moins de 18 ans, dans les établissements d'enseignement, par la poste, par téléphone, par l'internet.

La troisième phase de la révision de la Loi sur la protection du consommateur, actuellement en cours, porte sur le crédit.