Le propriétaire de la défunte agence de sécurité BCIA, Luigi Coretti, est acculé à la faillite. Et ses créanciers pourraient devoir se partager une part infime des sommes qu'il leur doit, selon des documents que La Presse Affaires a obtenus.

Les 27 créanciers de l'homme d'affaires doivent se réunir mardi pour débattre d'une proposition qu'il leur a soumise le 5 novembre dernier. S'ils l'acceptent, M. Coretti évitera une faillite personnelle, qui serait sa troisième en 20 ans.

 

 

M. Coretti propose à ses créanciers de leur verser 150 000$ en cinq ans, alors que ses dettes s'élèvent à 3 millions. Il s'engage également à leur remettre 70% du produit d'une poursuite en dommages «à être déposée dans les six mois». Le document ne fournit aucun détail sur la nature de cette poursuite.

Le syndic André Allard, qui gère le dossier, n'a pas rappelé La Presse Affaires, et il n'a pas répondu à nos questions par courriel.

La liste des créanciers de M. Coretti devrait s'allonger encore davantage, puisque d'anciens employés de BCIA affirment que leur ex-patron leur doit toujours de l'argent. Marc Boudreau et l'avocat Steve Whitter, entre autres, attendent toujours des primes de vacances qui totalisent 3900$. Ils ont demandé au syndic de faillite d'ajouter leur nom à la liste des prêteurs.

M. Whitter estime que la proposition de M. Coretti est insuffisante, et il compte s'y opposer.

«Dans toute faillite, c'est rare que les créanciers obtiennent une satisfaction quelconque, souligne-t-il. Dans ce cas-ci, l'objectif de la proposition semble être de gagner du temps avec une carotte au bout d'un bâton pour faire baver les créanciers.»

D'après la proposition aux créanciers, Luigi Coretti possède deux REER totalisant 119 000$, ainsi que des meubles et des effets personnels qui valent 6000$. La liste des actifs ne mentionne aucune voiture ni sa maison de Laval, qui a été saisie sur ordre des tribunaux en août dernier.

«J'aimerais savoir ce qui est advenu de tous les actifs de M. Coretti», souligne Marc Bourdeau, ancien employé qui affirme que l'homme d'affaires lui doit près de 2500$.

Toujours d'après les documents soumis aux réclamants, M. Coretti n'aurait pas exploité une entreprise au cours des cinq dernières années. Il était pourtant président et premier actionnaire des agences de sécurité BCIA et Centurion, selon le Registre des entreprises.

La liste des créanciers de Luigi Coretti comprend notamment la Caisse centrale Desjardins du Québec, à qui il doit 500 000$, ainsi que la Caisse populaire des Grands Boulevards, à Laval, à laquelle il doit 44 000$. La société MMV Financial, dont la Caisse de dépôt et placement est le deuxième actionnaire, a également une créance de 400 000$.

M. Coretti doit aussi plus d'un million de dollars à une société à numéros appartenant à la famille Alloul, laquelle est propriétaire d'un concessionnaire Toyota à Montréal-Nord. Il a également des dettes envers d'anciens policiers qui ont travaillé pour BCIA, une entreprise de plomberie, et un commerce d'importation de fromage et de charcuterie. Cette dernière entreprise, Importation Berchicci, a brûlé dans un incendie criminel il y a deux semaines.

Controverses

Luigi Coretti et sa firme BCIA se sont retrouvés au coeur de plusieurs controverses au cours des derniers mois. L'agence de sécurité a surveillé le quartier général du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et deux autres bâtiments occupés par la force policière de 2006 à 2010 sans jamais signer un contrat en bonne et due forme.

BCIA a fait faillite en mai. Des enquêtes de La Presse ont révélé que M. Coretti avait par deux fois invité à souper l'ancien chef du SPVM, Yvan Delorme, avant qu'il n'entre en fonction. Et d'anciens employés ont affirmé que l'entreprise a surveillé gratuitement la résidence de Frank Zampino, ex-bras droit du maire Gérald Tremblay.

La firme a provoqué une tempête à l'Assemblée nationale. Le ministre de la Famille, Tony Tomassi, a été expulsé du gouvernement Charest pour avoir utilisé une carte de crédit fournie par BCIA.

À la fin de septembre, deux entreprises qui ont financé M. Coretti, le Mouvement Desjardins et Investissement Québec, ont porté plainte à la Sûreté du Québec après avoir reçu un rapport juricomptable sur l'évolution des finances de BCIA.