Voulons-nous d'une taxe de vente québécoise (TVQ) à 19,5 %, d'ici 20 ans ?

C'est pourtant ce qui nous guette, voire pire encore, si rien n'est pas prochainement pour redresser les finances publiques du Québec, estime le Conference Board du Canada.

 

Dans une étude percutante publiée hier et intitulée Les finances publiques du Québec, l'heure des choix a sonné, Mario Lefebvre, directeur des Affaires québécoises et du Centre des études municipales du Board, n'y va pas par quatre chemins. «Si les taux de taxation restent ce qu'ils sont (ce qui inclut les deux majorations d'un point de la TVQ les 1er janvier 2011 et 2012) et si les tendances historiques concernant les dépenses réelles de programme par habitant se maintiennent, le gouvernement du Québec court à sa perte.»

Le Board se défend de dicter quelque avenue que ce soit aux Québécois. Son économiste en chef, Glen Hodgson, et M. Lefebvre ont maintes fois souligné hier devant la presse que ce sera à la population de décider ce qu'elle veut : le maintien des services actuels (en santé et en éducation), assorti d'une ponction fiscale lourdement accrue, ou une refonte de ses services, exigeant une ponction moindrement accrue. «Le statu quo n'est pas une option.»

De toutes les provinces canadiennes, le Québec porte la dette nette la plus élevée, équivalent à 47 % du produit intérieur brut (sans compter la part de la dette fédérale).

De plus, sa population vieillit plus rapidement. La cohorte des 65 ans et plus représente 15,4 % de l'ensemble cette année. En 2030, ce sera 24,2 %. Ces gens coûtent en moyenne de 13 000 $ à 14 000 $ en soins de santé par année, en dollars d'aujourd'hui. La facture grimpe à 25 000 $ quand ils atteignent 75 ans et 30 000 $ à 80 ans, l'espérance moyenne de vie au Québec.

Cela a plusieurs implications négatives qui iront s'alourdissant au cours des 20 prochaines années.

Une population vieillissante, c'est d'abord un potentiel diminué de la croissance réelle. L'expansion sera d'à peine 1,4 % dans 10 ans, alors qu'elle était plutôt aux environs de 2 % au cours de la décennie qui s'achève.

L'écart entre la croissance des coûts de la santé et l'assiette fiscale ira grandissant. Les premiers augmenteront en moyenne de 5,9 % par année, la seconde de 4 %.

L'accumulation de déficits durant la période alourdira aussi le service de la dette, d'autant plus que les conditions exceptionnellement avantageuses pour la financer qui prévalent depuis deux ans ne sauront perdurer.

«Le déficit pourrait grimper jusqu'à 45 milliards, malgré l'augmentation présumée de 6 % des transferts fédéraux en santé», prévient M. Lefebvre.

L'exercice mené par le Board se veut le premier d'une série qui se penchera ensuite sur l'état des autres provinces, aussi face à des défis considérables.

«Le Québec est en avance sur les autres provinces quant à son niveau de réflexion, insiste M. Hodgson. L'Ontario a choisi de repousser l'élimination de son déficit.»

MM. Lefebvre et Hodgson insistent pour ne pas se montrer apocalyptiques. Ils veulent alimenter un débat qui, selon eux, doit être fait plutôt tôt que tard. Ils se gardent de faire des recommandations, hormis celle de s'attaquer au problème avec diligence.

Pour y arriver, la classe politique et les intervenants sur la scène publique devront se montrer à la fois courageux et transparents. La démission récente du premier ministre Gordon Campbell, devenu le bouc émissaire de l'introduction de la taxe de vente harmonisée le 1er juillet, en fera malheureusement réfléchir plus d'un qui aspirent à prendre ou conserver le pouvoir.

Qu'à cela ne tienne, il faudra prendre le taureau par les cornes. « Attention, nous ne sommes pas la Grèce, insiste M. Lefebvre. Mais l'heure des choix a sonné. Il ne faut pas attendre. »

On peut trouver l'étude du Conference Board en ligne à l'adresse suivante : www.conferenceboard.ca/e-library/abstract.aspx?did=3902