Un récent jugement vient remettre profondément en question l'organisme qui régit le travail des courtiers en valeurs mobilières au Québec, l'OCRCVM.

Essentiellement, la juge Brigitte Gouin, de la Cour du Québec, estime que l'OCRCVM n'a pas les pouvoirs d'imposer des amendes aux courtiers qui ne respectent pas les règles de l'industrie. Autrement dit, en vertu de ce jugement, l'OCRCVM se retrouve désormais sans munition pour discipliner ses membres au Québec.

L'OCRCVM est l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières. Auparavant, l'OCRCVM s'appelait l'Association des courtiers en valeurs mobilières (ACCOVAM). Pour pratiquer leur métier, les courtiers doivent obligatoirement en être membres.

Au printemps 2007, l'ACCOVAM a imposé une amende et des frais de 56 114$ à l'ex-courtier Marc Beaudoin. L'ACCOVAM reprochait alors à M. Beaudoin son refus de collaborer à une enquête sur son rôle dans la gestion de certains comptes canadiens de Martin Tremblay. Ce dernier, rappelons-le, a été emprisonné aux États-Unis pour blanchiment d'argent par l'entremise de son entreprise Dominion Investments, des Bahamas.

Marc Beaudoin a démissionné de la firme Corporation Recherche Capital dans la foulée de l'arrestation de Martin Tremblay, en janvier 2006. L'ACCOVAM a plus tard imposé à Marc Beaudoin une interdiction permanente d'inscription comme professionnel de l'industrie, en plus des 56 114$.

Selon l'organisme, un membre qui ne collabore pas à son enquête commet une faute grave, puisque ce non-respect des règles mine la confiance du public dans le système financier.

Depuis la sanction, l'ACCOVAM ne s'est pas fait payer son dû. Elle a donc demandé à la Cour du Québec d'homologuer la décision disciplinaire contre Marc Beaudoin. Cette homologation aurait permis à l'organisme de prendre les moyens légaux pour récupérer les 56 114$.

Or, le 27 octobre, la Cour du Québec a refusé cette homologation à l'OCRCVM et à son ancêtre, l'ACCOVAM. Essentiellement, le tribunal a conclu que l'Autorité des marchés financiers (AMF) a reconnu l'organisme d'autoréglementation, mais ne lui a «pas délégué son pouvoir de percevoir des amendes».

La juge Gouin écrit que les règles prévues aux statuts de l'organisme n'ont pas force de loi. L'AMF aurait pu lui donner ce pouvoir, chose qu'elle n'a pas faite, selon le tribunal.

L'organisme plaidait qu'elle n'est pas un organisme public mais privé, reconnu par l'AMF. En devenant membres, les courtiers acceptent par contrat de se conformer aux règles de l'organisme, ce qui inclut l'imposition d'amendes, même cinq ans après leur départ. Le tribunal n'a pas retenu cette position.

Ailleurs au Canada, le pendant de l'OCRCVM (IIROC, Investment Industry Regulatory Organization of Canada) n'a pas ce problème, selon la juge Gouin. Les lois relatives aux valeurs mobilières en Ontario et en Colombie-Britannique donnent une marge de manoeuvre de loin supérieure à l'IIROC, ce qui ne requiert aucune délégation de pouvoir.

Jointe au téléphone, la présidente de l'OCRCVM, Carmen Crépin, n'a pas voulu commenter. L'organisme décidera prochainement si elle en appellera de la décision. Elle doit le faire avant le 27 novembre.

Compte tenu de cette décision, certains ex-courtiers ne seront pas tenus de verser leurs amendes, comprend-on du jugement. C'est le cas de Louis-Philippe Séguin, pour lequel l'organisme a réclamé, en février 2008, une amende de 50 000$ et des frais de 53 884$, pour un total de près de 104 000$. M. Séguin conteste toujours la décision de l'OCRCVM et sa compétence.

L'ex-courtier Sarkis Sarkissian, pour sa part, s'était vu imposer des amendes et frais totalisant 625 000$ en février 2010. Ces sommes n'ont toujours pas été payées.