Q: Quand sera-t-on conjoint de fait?

R: Le gouvernement définira peut-être une période de vie commune au-delà de laquelle les conjoints de fait seront reconnus tels. Sera-ce 12 mois comme pour l'impôt? Trois ans comme dans la loi sur les régimes de retraite? Laissera-t-il plutôt cette question à l'appréciation du tribunal? La question est importante car la durée de l'union est un des facteurs qui déterminent la pension alimentaire accordée. «Avec un mariage, c'est facile: il y a une date bien précise, observe l'avocate en droit familial Joscelyne Hénault. Mais comment va-t-on établir le début de l'union de fait? Comment va-t-on en faire la preuve?»

Q: Y aura-il une distinction entre les conjoints de fait unis avant et après les nouveaux règlements?

R: Peu probable, selon la notaire Guylaine Lafleur, souvent appelée comme expert à évaluer les besoins du réclamant et la capacité ou l'incapacité de payer du payeur. Tous les conjoints de fait dont l'union répondra aux conditions de durée seront probablement soumis au devoir d'aliments.

Q: Un impact possible sur les conjoints mariés?

R: Surprise, l'arrêt Lola pourrait également avoir un impact sur les conjoints mariés, évalue Me Guylaine Lafleur. Dans les jugements en divorce, lors du calcul de la pension, certains juges tiennent compte des années de vie commune avant le mariage en plus des années de mariage proprement dites. «Avec l'arrêt Lola, les juges devront considérer les années d'union de fait qui ont précédé le mariage, alors qu'actuellement, ils ne sont pas obligés de le faire», estime Me Lafleur.

Q: Se soustraire à la pension par contrat?

R: Les conjoints de fait pourraient-ils se soustraire aux futurs règlements sur l'obligation d'aliments en signant dès maintenant une convention dans laquelle ils renoncent à réclamer toute pension alimentaire dans l'avenir? On ne voit pas comment on pourrait s'exclure par contrat d'un régime mis en place pour voir aux besoins fondamentaux de survie, fait valoir Marie-France Bureau, professeure agrégée à la faculté de droit de l'Université de Sherbrooke.

Q: Retarder la vie commune?

R: L'idée circule: les futurs conjoints de fait qui sont déjà bien avancés dans la vie ne risqueront pas de réduire l'héritage de leurs enfants en s'engageant dans une relation qui les obligerait peut-être à des obligations alimentaires ou patrimoniales. Que cette préoccupation puisse exercer une influence sur la décision de vivre en commun est une hypothèse «tirée par les cheveux», selon Marie-France Bureau. «Est-ce que ce genre de situation, au cours des 15 dernières années, a eu un impact sur la vie amoureuse dans le reste du Canada? demande-t-elle. Si ça avait été le cas, je crois que des sociologues se seraient penchés sur la question.»

La pension alimentaire n'est pas automatique

«Si les deux conjoints de fait sont autosuffisants et gagnent un bon revenu, il n'y a pas lieu de s'inquiéter, insiste Me Hénault. Une pension alimentaire est accordée uniquement en cas de dépendance économique.» Une simple différence de revenu n'est pas un motif suffisant. Il faut d'une part une dépendance financière en raison de l'union, et de l'autre une capacité de payer.

Le spectre de la maladie dégénérative

«Quand on se marie, il y a une obligation de support envers l'autre conjoint, observe Me Joscelyne Hénault. On sait que si notre conjoint tombe malade, on s'est engagé à subvenir à ses besoins et à être là pour le meilleur et pour le pire. Mais pas les conjoints de fait.»

Que se passera-t-il en cas de maladie dégénérative grave, ou d'accident qui laisse un conjoint de fait paraplégique? «C'est extrêmement préoccupant, pour ne pas dire épeurant», répond Me Hénault

Marie-France Bureau est nettement moins pessimiste. «Même par rapport au mariage, il n'est pas certain qu'on a une obligation alimentaire sans fin et qu'on a la responsabilité du conjoint si on se sépare, dit-elle. Cependant, s'il y a une obligation alimentaire entre conjoints de fait et qu'il y a une indépendance économique due à l'union, doublée d'une incapacité totale d'acquérir jamais une indépendance dans le futur, oui, ça pourrait impliquer une participation du conjoint.»

Les chances sont minces, toutefois, et la jurisprudence n'est pas nette à ce propos. Si cette crainte est un obstacle à une union, on peut toujours penser à la romantique assurance invalidité.

Q: Se séparer pour prévenir les coups?

R: Un conjoint de fait de longue date déciderait de rompre dès maintenant pour éviter de payer une pension sous l'effet de la future réglementation? En matière d'union de fait, une rupture «préventive» ne garantira pas que l'ex-conjoint n'aura pas de recours. «Ne pensez pas tout régler en mettant fin à votre union maintenant, indique Me Lafleur. Il y a eu 10 ou 15 ans de vie commune, il y a eu des enfants nés de l'union? Il se peut très bien que l'autre conjoint réussisse quand même à obtenir une pension alimentaire.»

Pas de panique

Marie-France Bureau se réjouit du brasse-camarade - disons la réflexion - que provoque la décision de la Cour d'appel. «Si vous êtes ensemble depuis 5 à 10 ans, il est peut-être temps que vous pensiez à votre union et à ce que vous voulez, affirme-t-elle. Par convention notariée ou devant un avocat, ou même sur bout de papier signé sur la table, il y a possibilité de faire des contrats de cohabitation ou de vie commune. Ce sera une indication en cas de séparation.» De toute manière, observe-t-elle, les gens autonomes, indépendants, qui prévoient les répercussions de la fin de leur union, se retrouvent rarement en conflit pour une pension alimentaire. Ceux-là n'ont pas à s'inquiéter de l'inclusion des conjoints de fait dans l'obligation alimentaire.