Hydro-Québec a failli perdre 30 millions dans la déconfiture d'AbitibiBowater et elle jure qu'on ne l'y reprendra plus. La société d'État a l'intention de resserrer les conditions de paiements de ses plus gros clients industriels afin de réduire ses risques, et ses pertes.

Les grandes entreprises jugées risquées par Hydro-Québec seront facturées plus souvent et devront acquitter leurs factures aussi tôt que dans les cinq jours suivants, si la Régie de l'énergie accepte la requête d'Hydro.

Entre 2005 et 2010, Hydro a perdu 47 millions parce que 12 de ses plus gros clients se sont retrouvés en situation d'insolvabilité. Pour 2009 seulement, ses pertes appréhendées étaient de 29,1 millions, surtout à cause d'AbitibiBowater qui s'est placée sous la protection de la loi pour éviter la faillite.

Hydro a finalement pu récupérer les sommes dues par Abitibi, probablement lors de son rachat de la participation d'Abitibi dans la centrale hydroélectrique de Baie-Comeau. L'argent a été récupéré «en raison de circonstances exceptionnelles qui ne peuvent d'aucune façon servir de référence», explique la société d'État dans sa demande à la Régie. Il n'a pas été possible d'obtenir des précisions d'Hydro-Québec.

À la suite de cette mésaventure, Hydro a jugé qu'elle n'était pas assez bien protégée contre les risques de mauvaises créances de la part de ses plus gros clients. Normalement, les entreprises grandes consommatrices d'électricité sont facturées aux 30 jours et ont ensuite 21 jours pour payer, pour un total de 51 jours de consommation. Règle générale, ces entreprises paient toujours leur dû à l'échéance mais quand elles ne le font pas, c'est qu'elles sont déjà insolvables, a constaté Hydro.

La société d'État dispose de peu de recours quand advient la faillite de ce type de clients. Elle peut prendre une hypothèque légale sur les actifs de l'entreprise mais ce recours passe après les créances garanties et il ne reste rien, la plupart du temps, pour se faire rembourser.

Dans sa requête soumise à Régie, Hydro propose de classer ses gros clients en quatre catégories, du moins risqué au plus risqué, en se fiant notamment aux cotes attribuées par les agences de notation Standard & Poor's et Moody's. Celles qui ne sont pas cotées par les agences feraient l'objet d'une analyse de crédit effectuée par Hydro à partir des états financiers de l'entreprise.

Les entreprises jugées moins risquées continueront d'être facturées aux 30 jours et d'avoir 21 jours pour acquitter la facture. Les clients risqués recevront une facture tous les 30 jours mais n'auront que cinq jours pour la payer. Enfin, les clients les plus à risque seront facturés tous les semaines et devront payer leur dû dans les cinq jours suivants.

Pour se protéger davantage, Hydro pourra demander aux entreprises les plus à risque de payer d'avance l'équivalent de 12 jours de consommation.

Bien reçu

La volonté d'Hydro-Québec de resserrer les conditions de paiement de ses plus gros clients n'a pas suscité de levée de boucliers. L'Association québécoises des consommateurs industriels d'électricité, qui représente la clientèle visée, ne s'y oppose pas. «Si Hydro fait des pertes, ce sont tous les autres consommateurs d'électricité qui en souffrent», a expliqué leur porte-parole, Luc Boulanger.

«Il est nécessaire de donner à Hydro-Québec les outils pour gérer efficacement le crédit», estime-t-il.

Hydro-Québec a l'intention de comptabiliser ses pertes annuelles dans un compte de frais reportés, ce qui lui permettra de les récupérer dans sa requête d'augmentation de tarifs l'année suivante.

Les pertes futures seront moins élevées si la Régie accepte les changements proposés, selon Hydro. Ainsi, les pertes constatées entre 2005 et 2010 auraient été de 10 millions plutôt que de 47 millions si les changements avaient été en vigueur.