Le bras de fer se poursuit à Saint-Louis-de-Gonzague autour d'un controversé projet de porcherie. La MRC de Beauharnois-Salaberry refuse d'adopter le rapport de consultation publique, pièce essentielle pour la délivrance des permis de construction, ce qui constitue une première. Le promoteur se tourne donc vers les tribunaux pour débloquer la situation.

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L'agriculteur Richard Billette veut établir sur sa ferme de Saint-Louis-de-Gonzague, à l'ouest de Beauharnois, une porcherie de 2800 bêtes. Les citoyens s'inquiètent des fortes odeurs, mais surtout des risques environnementaux de l'épandage de lisier, à Saint-Louis et dans les municipalités voisines. Un comité d'opposants a assemblé une pétition de 600 signatures. Plusieurs maires ont manifesté des réticences.

Sauf que le ministère de l'Environnement a autorisé le projet de M. Billette et s'est assuré qu'il respectait la réglementation municipale. La consultation publique, tenue par la MRC le 25 mai dernier, n'a pas vraiment permis de rapprocher les citoyens et le promoteur.

La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme (LAU) prévoit néanmoins que la MRC doit adopter le rapport de la consultation, puis le transmettre à la municipalité qui délivrera les permis avec ou sans condition. Or, dans une séance tenue le 22 septembre dernier, le conseil des maires de la MRC a refusé d'adopter le rapport. Celui-ci n'est donc pas rendu public et le processus est bloqué.

«On ne sentait pas qu'on pouvait répondre adéquatement aux inquiétudes des gens», explique le maire de Saint-Louis et préfet de la MRC, Yves Daoust. Il convient que le geste de la MRC n'est pas légal.

La loi ne prévoit rien dans cette situation. Le promoteur compte s'adresser aux tribunaux pour forcer la MRC à publier le rapport et la municipalité à accorder les permis, dernier obstacle au projet.

«On est en train de définir de quelle façon on va aborder le problème, dit Guy Lussier, ingénieur agricole et agent immobilier qui accompagne le producteur Richard Billette dans le projet. Une plainte est en train d'être rédigée. Et il y aura une mise en demeure. On ne laissera pas mourir le projet rendu où il est là.» M. Billette n'a pas rappelé La Presse Affaires.

Au meilleur de la connaissance de Stéphane Forest, avocat au contentieux de l'Union des producteurs agricoles, c'est la première fois qu'une MRC ou une municipalité n'adopte pas le rapport de consultation.

Un seul autre jugement a été rendu en ce qui concerne les dispositions de la LAU sur les porcheries. En décembre 2009, la Cour supérieure du Québec avait corrigé la municipalité de Saint-Cyprien-de-Napierville, qui avait exigé des conditions abusives à un producteur qui voulait établir une porcherie. Le tribunal a ordonné l'émission des permis, mais la cause sera entendue en appel en mars 2011.

Pas assez de pouvoirs aux MRC

Dans la résolution transmise au gouvernement et où il justifie le refus d'adopter le rapport de consultation, le Conseil des maires de la MRC de Beauharnois-Salaberry soutient que la portée des consultations publiques, limitée à la gestion des odeurs, est trop restreinte.

La MRC affirme aussi qu'elle manque de pouvoirs en ce qui concerne les autres préoccupations des citoyens. Ni une municipalité ni une MRC ne peuvent rejeter un projet conforme à la loi, même s'il contrevenait par exemple à leur vision de l'harmonisation du territoire ou du développement durable. Les autorités municipales peuvent au plus exiger cinq conditions pour limiter les odeurs et économiser l'eau.

Selon Yves Daoust, l'irritant pour les maires est de se faire dire par le ministère des Affaires municipales qu'ils ont tout pouvoir sur l'occupation du territoire, mais qu'ils doivent en même temps respecter les conditions et exigences fixées par le ministère. «Laissez-nous faire, on va l'occuper et le développer convenablement, notre territoire, lance M. Daoust. Donnez-nous les outils pour ça.»

Le conseil demande donc au gouvernement d'accorder aux MRC et aux municipalités plus d'outils d'encadrement et plus de garanties sur le contrôle du plan de fertilisation (épandage de lisier) et la rentabilité financière d'un projet. «Et on réclame le droit de dire non», ajoute M. Daoust.

Le 8 octobre, la Table des préfets de la Montérégie a donné son appui unanime à la résolution de la MRC de Beauharnois-Salaberry.

Pendant que le projet de porcherie est retardé, «le ministère des Affaires municipales a les résolutions en mains et on attend les directives qu'il va nous donner», dit M. Daoust.

L'attaché de presse du ministre Laurent Lessard indique que le ministère étudie présentement le dossier et que le ministre ne peut se prononcer davantage.