Le milieu des affaires fourmille d'entrepreneurs insatisfaits de leurs firmes de financement, estimant que celles-ci abusent impunément de leurs droits. Or, un jugement vient d'être rendu condamnant justement une firme de capital-risque pour abus de pouvoir contre une PME.

La juge Danielle Turcotte, de la Cour supérieure, a condamné la firme Garage Technology Ventures et ses dirigeants à verser 3,4 millions de dollars à Margit S. Léger, une entrepreneure dans le secteur du design.

Essentiellement, le tribunal est d'avis que Garage et ses dirigeants ont abusé de leur pouvoir. Ils ont pris le contrôle de l'entreprise de Mme Léger et fait fi de ses suggestions avant de la congédier et de fermer la PME, le tout en seulement six mois, indique le jugement.

En 2006, Margit Léger cherche du financement pour son entreprise Impact, qui conçoit un site internet destiné à permettre aux stylistes d'intérieur d'avoir un accès virtuel aux salles d'exposition. Mme Léger est mise en contact avec Garage et ses dirigeants Tom Sweeney et Louis P. Desmarais. Garage est appuyé par le Fonds FTQ, la Caisse de dépôt et placement du Québec et Investissement Québec.

Une entente est signée en février 2007. Louis Desmarais espère alors récupérer les 2,5 millions de dollars de financement promis en inscrivant éventuellement l'entreprise en Bourse. En juin 2007, l'actif de l'entreprise Impact (logiciels, etc.) est transféré dans une nouvelle coquille, baptisée Media Lure.

Louis Desmarais juge alors qu'il est primordial que la PME réussisse à s'associer à un groupe de Dubaï. Malheureusement, ce partenaire d'affaires se montre exigeant et l'association avorte. S'ensuivent des résultats moins bons que prévu; les liquidités de l'entreprise fondent.

C'est à ce moment que Louis Desmarais décroche. Il passe le flambeau à Tom Sweeney, mais on ignore les demandes de Mme Léger, qui est pourtant chef de la direction. Plus tard, Mme Léger est évincée, remplacée par un gestionnaire qui ne connaît rien au domaine d'affaires. Finalement, six mois après la fondation de Lure, tous les employés ont été licenciés et l'entreprise est fermée.

«Droits bafoués»

Selon la juge Turcotte, le dirigeant principal de Garage, Louis Desmarais, s'est comporté comme s'il était le seul et unique propriétaire de Lure. «Les droits de Mme Léger ont été bafoués du début à la fin. On n'a pas tenu compte de ses intérêts, injustement.»

Selon le jugement, Mme Léger a subi des conséquences terribles de cette affaire. Elle a perdu confiance en elle, a été évincée de sa propriété et sa famille, dont elle est le principal soutien, a écopé.

La juge accorde donc 3,4 millions à Mme Léger, dont 3,2 millions correspondent à la valeur de son entreprise au moment de la transaction de financement avec la firme Garage.

Joint au téléphone, l'avocat des défendeurs, Sylvain Lussier, s'est dit surpris de la décision, déçu. Il attend des instructions de ses clients, mais leur recommande de porter la cause en appel.

«Avec tous les égards pour la juge, elle n'a pas tenu compte du fait que l'entreprise de Mme Léger perdait de l'argent depuis sept ans. Mme Léger avait des dettes de 500 000$, dont des retenues à la source fiscales non payées, et ce sont mes clients qui ont assumé le paiement», dit-il.