Québec versera plus de 83 millions $ aux restaurateurs pour leur permettre d'acquérir de l'équipement informatique visant à assurer qu'ils ne commettent pas d'évasion fiscale.

Des subventions totalisant 38,5 millions $ permettront aux restaurants d'obtenir, sans frais pour eux, des modules d'enregistrement des ventes.

On prévoit en installer plus de 30 000, au coût de 1000 $ pièce, dans quelque 19 000 restaurants à la grandeur du Québec. C'est le géant américain IBM qui a remporté cet important contrat au terme d'un appel d'offres.

Avec ces micro-ordinateurs cryptés, les restaurateurs devront envoyer au ministère du Revenu, une fois par mois, les détails des transactions de vente de façon à ce que les fonctionnaires puissent vérifier que toutes les taxes et impôts ont été payés.

Le gouvernement subventionnera en outre, à hauteur de 80%, les dépenses reliées aux modifications que nécessiteront les systèmes informatiques des restaurateurs pour accueillir les modules électroniques. Québec réserve 45 millions $ à cet effet.

Les subventions oscilleront entre 2000 $ et 2500 $ par restaurant. Pour avoir droit au remboursement de 80%, les restaurants devront agir avant le 31 mars. Après cette date, Québec ne déboursera que 40% des dépenses encourues. Dans tous les cas, les restaurateurs devront avoir installé leurs modules au plus tard en novembre 2011.

À ces sommes s'ajoutent les coûts d'un projet pilote mené l'hiver dernier et ceux découlant de l'augmentation du nombre d'inspecteurs gouvernementaux, de sorte que la facture totale de l'initiative s'élèvera à 117,5 millions $ pour Québec.

En conférence de presse lundi à Montréal, le ministre des Finances, Raymond Bachand, a soutenu que l'investissement allait permettre de récupérer plus de 300 millions $ par année en taxes et impôts qui sont actuellement impayés - davantage si l'on inclut les ponctions fédérales.

«C'est un bon placement», a-t-il déclaré.

«Ce qui est le plus choquant dans cette histoire d'évasion fiscale, c'est que vous pensez que vous payez la taxe de vente et la TPS quand vous payez votre repas, mais si ça reste dans la poche du commerçant malhonnête parce que ce n'est pas traduit au ministère du Revenu, vous ne les avez pas payées à la collectivité», a-t-il souligné.

Québec estime perdre 3 milliards $ par année à cause de l'évasion fiscale, dont 1,5 milliard $ dans le secteur de la construction et plus de 400 millions $ dans celui de la restauration. Le gouvernement espère récupérer 1,2 milliard $ par an d'ici quelques années.

Les restaurants ayant un chiffre d'affaires de moins de 30 000 $ par année et les établissements ne pouvant accueillir plus de 20 personnes à la fois ne seront pas tenus d'installer un module d'enregistrement des ventes.

Retard

Le projet a connu un retard important: au moment de son annonce, dans le budget de mars 2006, il devait se mettre en branle à l'automne 2008. De plus, Québec ne prévoyait, à l'origine, verser aucune subvention aux restaurateurs, mais ceux-ci ont réussi à infléchir le gouvernement.

L'Association des restaurateurs du Québec se félicite d'avoir réussi à obtenir cette aide, mais demeure insatisfaite de la voie empruntée par le gouvernement.

«Ce n'est vraiment pas la mesure qu'on aurait choisie, a affirmé lundi François Meunier, vice-président du regroupement. On aurait préféré que ce soient les fautifs et les délinquants qui soient visés et qui aient à subir les contraintes. Or la mesure choisie, c'est une mesure universelle qui va viser tout le monde, que vous ayez ou non fraudé le fisc. C'est quelque chose de frustrant pour nous.»

Selon M. Meunier, l'approche du gouvernement est «discriminatoire» parce qu'elle épargne des commerçants comme les garages et les salons de coiffure, alors que certains d'entre eux pratiquent l'évasion fiscale.

D'autre part, à compter de mercredi, les restaurants auront l'obligation légale de remettre à leurs clients une facture détaillant les produits qu'ils ont consommés et les taxes à payer. Les commerçants qui ne le feront pas s'exposeront à des amendes.