Le ministre de l'Agriculture, Claude Béchard, prépare une nouvelle politique agricole pour le Québec. Dans une entrevue à La Presse Affaires, il explique l'intervention du gouvernement dans l'agriculture.

Les paiements de programmes aux agriculteurs québécois dépassent le milliard de dollars. Pourquoi soutenir l'agriculture à ce point?

On a un immense territoire au Québec. Il faut l'occuper et y vivre. Ça implique des risques et des coûts financiers. Il faut aussi reconnaître que faire de l'agriculture en Gaspésie, dans le nord du Lac-Saint-Jean ou en Abitibi plutôt qu'autour de Saint-Hyacinthe et sur les plus belles terres du Québec, ça entraîne des coûts différents.

C'est un choix de société que nous faisons. Dans les campagnes et les régions, c'est ce qui fait tourner 25 ou 30% de l'économie. C'est aussi une question de culture, de fierté, de nationalisme. C'est un de nos éléments de culture qu'il faut préserver.

Certaines productions reçoivent des indemnités d'assurance chaque année. Des productions tirent la moitié de leurs revenus des programmes de l'État. Est-il sensé de subventionner ces productions?

Il y a des endroits où la production est plus efficace, où ces productions peuvent coûter moins cher et avoir moins besoin des programmes. Dans d'autres cas, c'est impossible, et c'est pourquoi il nous faut carrément des mesures de transition pour aider les producteurs à passer à un autre type de production. Il ne faut pas oublier qu'on veut que les producteurs occupent le territoire.

Au Québec, la production d'agneau a explosé dans les 20 dernières années, mais elle fonctionne toujours à perte. Est-ce vraiment sain?

Comme gouvernement, on a fait le choix, et on ne s'en cache pas, d'avoir le plus grand nombre de productions possible au Québec. L'un des objectifs de notre politique agricole sera de mettre de l'avant des produits distinctifs qui représentent le Québec. Et cela a un coût, surtout quand ça démarre.

Quand on parle d'appellation québécoise, d'aliment du Québec, d'alimentation sécuritaire, l'agneau est justement le type de production qui rapproche les producteurs des consommateurs. On veut garder ce type de production à certains endroits, même si on sait qu'il y aura des difficultés financières.

On donne beaucoup d'argent à l'agriculture et vous défendez ce choix. Croyez-vous que la population appuie ce choix, alors qu'on a parfois l'impression qu'elle est déconnectée de son agriculture?

J'ai la perception qu'on est passé, en une dizaine d'années, d'une époque d'affrontement entre l'agriculture et les milieux urbains à une époque de collaboration. Des initiatives comme les marchés publics ont rapproché la population des producteurs. Les consommateurs se sont rendu compte que c'est important d'avoir de l'agriculture sur le territoire. Ils acceptent mieux ce qu'on fait, surtout si on dit qu'on est responsable et qu'on plafonne l'aide.

Au début des années 80, le ministre Jean Garon a présenté une politique agricole qui avait l'autosuffisance comme objectif. Quel est le vôtre?

On vise les marchés canadiens et américains. On a parlé de mettre le Québec dans notre assiette et dans nos verres, il faut le mettre aussi dans les assiettes des autres Canadiens et des Américains. Je pense que nous avons des produits fins, des produits particuliers pour nous démarquer, pour avoir une marque québécoise. Il n'est pas normal qu'avec les produits qu'on a, à côté d'un marché de 300 millions de personnes, on ne perce pas plus que ça.