Heures supplémentaires non payées. Pas de pause repas ni de pourboires. Uniforme acheté à même ses économies. Les employés des restos et des bars ont beaucoup de difficultés à faire respecter leurs droits: 68% d'entre eux se disent victimes d'une infraction à la Loi sur les normes du travail, selon une enquête commandée par la Commission des normes du travail du Québec et que La Presse Affaires a obtenue en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Selon l'enquête téléphonique, 71% des serveurs, 76% des employés âgés entre 25 et 29 ans, ainsi que 89% des employés travaillant plus de 40 heures par semaine ont été victimes d'au moins une infraction à la loi. Des répondants interrogés, 32% ont été victimes d'une infraction, 19% de deux infractions, 12% de trois infractions et 6% de quatre infractions et plus.

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Le ministre québécois du Travail, Sam Hamad, n'a pas voulu parler des résultats de l'enquête de la Commission des normes du travail, qui seront dévoilés officiellement au cours de l'automne. «Ce n'est pas une situation que nous prenons à la légère, mais nous sommes en train d'analyser les résultats. Nous souhaitons que toutes les entreprises se conforment à la loi. Si des travailleurs se sentent lésés, nous les encourageons à porter plainte», dit son attaché de presse, Alexandre Boucher.

L'organisme Au bas de l'échelle, qui défend les droits des travailleurs non syndiqués, n'est pas surpris de non-respect généralisé des lois du travail dans le milieu de la restauration et des bars. «Il y a un manque de ressources pour faire respecter la loi, dit Carole Henry, porte-parole de l'organisme. Les gens ne connaissent pas leurs droits ou ont peur de les faire respecter. Plus récemment, la récession et les pertes d'emplois rendent les gens plus nerveux. Ils vont accepter des conditions de travail qu'ils n'accepteraient pas autrement.»

L'Association des restaurateurs du Québec ne croit pas la situation si problématique. «C'est comparable aux autres industries de services. Ce n'est pas nécessairement un problème. On prône le respect de la loi», dit Dominique Tremblay, porte-parole de l'Association des restaurateurs du Québec, organisme représentant 4200 des 19 000 restaurants de la province.

Le Parti québécois propose de créer un réseau d'associations de travailleurs non syndiqués afin de faciliter le dépôt de plaintes pour non-respect des lois du travail. «Les droits du travail sont peu appliqués en milieu non syndiqué. La Commission des normes du travail, c'est bien, mais c'est un organisme qui est loin des gens. Il faudrait créer des associations de travailleurs par zone géographique. Un peu comme des syndicats, mais sans convention collective et à moindre coût pour les employés», dit François Rebello, député du Parti québécois et porte-parole en matière de relations de travail.

Selon l'enquête de la Commission des normes du travail, les infractions les plus fréquentes sont celles relatives à la période de repas (38%), au partage des pourboires (37%), au congé annuel (28%), à l'achat de vêtements obligatoires (26%) et au bulletin de paie (15%). Les infractions les moins fréquentes sont celles relatives aux heures supplémentaires (3%) et au salaire minimum (3%).

L'enquête sur les conditions de travail dans le milieu de la restauration et des bars a été réalisée par la firme Jolicoeur&Associés pour le compte de la Commission des normes du travail et le ministère du Travail. 1250 employés ont été interrogés par téléphone entre le 28 juin et le 4 juillet 2009. Le rapport, le premier sur le secteur de la restauration, a été remis au gouvernement en avril dernier.

- Avec la collaboration de William Leclerc