Une deuxième vague d'accusations criminelles ont été déposées par le Bureau de la concurrence relativement au cartel de l'essence dans quatre villes du Québec: 25 autres individus et trois entreprises s'ajoutent à la liste de ceux qui auraient comploté pour fixer le prix à la pompe.

En juin 2008, 13 personnes et 11 stations d'essence avaient été accusées à Victoriaville, Thetford Mines, Magog et Sherbrooke.

Avec un total de 38 personnes et 14 entreprises poursuivies, il s'agit de la plus grande enquête criminelle jamais menée par le Bureau de la concurrence.

C'est aussi celle qui a mené à l'arrestation du plus grand nombre de personnes dans l'histoire du Bureau, toutes catégories d'enquêtes confondues.

Sans compter qu'elle est la seule à avoir mené à des accusations depuis 1952 au Canada, parce que la preuve de fixation illégale de prix est très difficile à établir, explique Donald Plouffe, sous-commissaire adjoint au Bureau de la concurrence.

«Ce qui a fait la grande différence dans le présent dossier, c'est l'écoute électronique», a-t-il expliqué en entrevue.

En fait, des milliers de conversations téléphoniques ont été interceptées par les enquêteurs.

À cela s'ajoute 90 perquisitions, des centaines de milliers de documents saisis, de l'observation, de la surveillance et de la collaboration d'une entreprise qui a fourni de l'information au Bureau en échange de l'immunité de poursuites.

Une enquête massive et une excellente enquête, se félicite M. Plouffe: «On est convaincus que ça fait la différence dans le marché d'aujourd'hui. Et que toute personne qui va tenter d'agir de cette façon-là pourra s'attendre à ce que le Bureau soit là pour les surveiller», a-t-il affirmé.

Selon l'enquête effectuée, des détaillants d'essence ou leurs représentants dans quatre marchés régionaux se sont passé des coups de fil pour convenir du prix du carburant qu'ils factureraient aux consommateurs et du moment des hausses de prix.

On ne sait pas combien d'agent a été pris de cette façon dans les poches des consommateurs.

M. Plouffe avance que si les détaillants de ce cartel ont augmenté le prix de l'essence ne serait-ce que d'un seul sou par litre, 2 000 000 $ auraient été ainsi dérobés aux automobilistes. Mais cette preuve devra être faite devant le tribunal et le montant total pourrait même être plus élevé que l'exemple décrit par le sous-commissaire.

Selon M. Plouffe, la preuve semble indiquer que l'immense majorité des détaillants d'essence de ces marchés faisaient partie du cartel.

À Victoriaville, 23 détaillants sur 24 ont été accusés, 21 sur 23 à Thetford Mines et 56 sur 64 dans le marché combiné Sherbrooke/Magog.

La quasi-totalité des individus et des entreprises visés lors de la première phase des accusations ont déjà plaidé coupable.

Ultramar Ltée, opérant dans les marchés de Victoriaville et de Thetford Mines, a écopé de la plus lourde amende jusqu'à maintenant, soit 1 850 000 $.

Mais personne n'a été envoyé en prison. Des peines à purger dans la communauté ont plutôt été imposées.

«En matière de cols blancs, ce n'est pas la tendance des tribunaux de les envoyer dans un milieu carcéral», a souligné M. Plouffe, ajoutant que le Bureau n'a aucun contrôle sur les peines imposées par les magistrats.

À moins que ne surgissent d'autres éléments de preuve, le Bureau a indiqué que ces accusations seraient les dernières à être portées dans ce dossier.

M. Plouffe prévient que les changements apportés à la loi en mars dernier vont faciliter la tâche des enquêteurs. Puisqu'il ne sera dorénavant plus nécessaire de prouver que le complot pour fixer les prix a un «impact économique important sur le marché», il sera plus simple de porter des accusations.