«Ce plan risque de faire des jaloux et susciter bien des débats et des discussions dans les capitales canadiennes, de Victoria à Edmonton en passant par Toronto. L'équipe qui l'a fait devrait s'en enorgueillir.»

Céline Bak, cofondatrice du groupe de consultants Russell Mitchell Group établie à Ottawa, a lu avec beaucoup d'intérêt les documents dévoilés hier par le gouvernement du Québec. Et approuve en général ce qu'elle y voit.

Elle n'est pas la seule. Malgré quelques bémols, la nouvelle mouture de la stratégie québécoise sur l'innovation a été généralement très bien accueillie.

Les réactions les plus enthousiastes proviennent sans doute du milieu entrepreneurial, qui a apprécié de voir que Québec cherchait à canaliser l'innovation québécoise vers la productivité des entreprises.

«Il s'agit d'une démarche très prometteuse qui, suivie d'autres initiatives similaires, permettra aux entreprises au Québec d'accroître leur productivité et de rester compétitives dans un contexte de concurrence mondiale», a réagi le premier vice-président du Conseil du patronat du Québec, Daniel Audet, par voie de communiqué.

La chambre de commerce du Montréal métropolitain a parlé d'une «stratégie gagnante pour Montréal». «En cette période d'austérité économique, nous sommes heureux de constater l'importance qu'accorde le gouvernement à la question de l'innovation (...)», a dit Michel Leblanc, PDG de la Chambre.

Accueil favorable pour les universitaires

Du côté du milieu universitaire, la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ) «salue les efforts faits par le ministre» Gignac pour «maintenir le cap sur la recherche, la science et la technologie».

La CREPUQ se réjouit du renforcement des programmes de bourses d'excellence et de stages internationaux, ainsi que des mesures pour augmenter la collaboration entre entreprises et universités.

Elle s'interroge toutefois sur la pertinence de regrouper le Fonds de recherche en santé du Québec et les deux autres fonds de recherche du gouvernement pour n'en former qu'un seul, Recherche Québec. «L'existence des trois fonds distincts a permis, jusqu'à maintenant, de répondre adéquatement aux besoins spécifiques des trois secteurs (...)», souligne l'organisme, qui aurait aussi aimé que l'importance de la recherche fondamentale soit «soulignée davantage».

Des sommes suffisantes?

Albert de Luca, spécialiste en innovation et associé au service de fiscalité et programmes incitatifs chez Samson Bélair Deloitte et Touche, juge quant à lui la stratégie «concise» et «bien ciblée». Il aime particulièrement les projets mobilisateurs lancés par le gouvernement.

«Québec mise sur des secteurs dans lesquels il a des forces déclarées. L'avion écologique, on est capables de le faire au Québec,» lance-t-il, se disant aussi soulagé de voir un projet - le bioraffinage forestier - venir enfin au secours du secteur des pâtes et papiers.

Il se demande toutefois si les sommes débloquées par Québec sont suffisantes dans le contexte où le fédéral, selon lui, se montre «réfractaire» à l'innovation.

«Le document fait référence au fait que le Québec est la province qui investit le plus en science. Mais deux provinces, l'Ontario et l'Alberta, nous rattrapent très rapidement», dit-il.

Sciences de la vie

Selon lui, le fait qu'aucun des projets mobilisateurs lancés ne touche le secteur des sciences de la vie est aussi une erreur, même si le domaine est désigné prioritaire pour le cinquième projet qui reste à choisir.

«Je ne m'enfarge pas tellement avec ça», répond Mario Lebrun, directeur général de BioQuébec, qui «reçoit positivement la stratégie». M. Lebrun souligne que les biotechnologies sont reconnues noir sur blanc comme «stratégiques» dans le document.

«Je suis très content de voir ce qu'il y a là-dedans, dit aussi Jean-Marc Proulx, PDG de Génome Québec. L'un de nos axes est l'intégration de la génomique aux secteurs de la santé et des ressources naturelles, et la génomique est justement identifiée comme l'un des secteurs stratégiques.»

Céline Bak, du Russell Mitchell Group, croit que Québec aurait dû inclure des partenaires internationaux dans ses «grands projets mobilisateurs» question d'en maximiser le potentiel d'exportation. Elle aurait aussi aimé que le gouvernement débloque des budgets d'achat pour les nouvelles technologies développées par les PME question de faire d'une pierre deux coups: se doter de technologies de pointe...et développer un marché pour les entreprises en démarrage. Jacques Bernier, qui dirige le nouveau fonds de capital-risque Teralys, n'avait que de bons mots pour la nouvelle stratégie. «Vous savez quoi? Quand je vois ça, je suis fier d'être québécois!» a-t-il lancé.