Malgré les sommes importantes investies en recherche et développement, les entreprises québécoises traînent encore la patte en productivité. Pour tenter de renverser la vapeur, le gouvernement investit la part du lion de sa nouvelle stratégie sur l'innovation pour améliorer la compétitivité du Québec. Une vision généralement très bien accueillie par le milieu de la recherche et les analystes.

On a appelé ça la «maladie des patenteux». Cette tendance qu'ont les Québécois à faire de formidables trouvailles dans leurs labos... puis à échouer lorsqu'il s'agit de les vendre et d'en tirer profit.

Hier, le gouvernement du Québec a reconnu le problème dans sa nouvelle «stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation» et accorde quelque 200 millions d'argent frais en trois ans pour tenter de le soigner.

«On investit beaucoup en recherche et développement, mais nos gains en productivité tardent à se faire sentir quand on regarde les comparaisons avec les États-Unis et le reste du Canada. En ce qui concerne l'innovation, il y a beaucoup de pierres à tourner pour comprendre ce qui se passe», a admis à La Presse Affaires Clément Gignac, ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation.

M. Gignac espère apporter une partie de la réponse avec sa stratégie sur l'innovation 2010-2013, une mise à jour du plan 2007-2010 qui vient bientôt à échéance.

En tout, le provincial s'engage à mettre presque 2 milliards en trois ans (1,9612 milliard pour être précis, dont 482,5 millions d'argent frais) pour soutenir tout ce que le Québec compte de chercheurs et d'inventeurs, de l'université à l'entreprise.

Le reste de l'argent provient des fonds de roulement de divers organismes et de mesures déjà annoncées, comme les fonds d'amorçage pour aider les entreprises en démarrage.

Deux programmes

La grande nouveauté dévoilée hier est l'annonce de mesures d'aides à la commercialisation. Québec accouche de deux programmes: l'un pour soutenir les efforts pour vendre des produits à faible empreinte de carbone, et l'autre qui vise l'ensemble des innovations technologiques. En entrevue, le ministre Gignac a expliqué que Québec paiera une partie des salaires des gens-clés impliqués dans la commercialisation des produits.

«On peut avoir les meilleurs établissements de recherche et d'enseignement, mais il faut aussi qu'il y ait un esprit d'entrepreneuriat pour amener l'idée jusqu'au marché», dit M. Gignac, qui promet d'ailleurs une «stratégie de l'entrepreneuriat» à part entière dès l'automne prochain.

«J'essaie de comprendre pourquoi, par exemple, on a deux fois moins de jeunes de moins de 35 ans au Québec qui sont intéressés à lancer une entreprise que dans le reste du Canada», a dit le ministre.

Cinq projets

Le gouvernement soutiendra cinq «projets mobilisateurs» susceptibles de stimuler la recherche dans les créneaux d'excellence du Québec. Le gouvernement investira 70 millions sur trois ans pour que la province accouche d'un «avion écologique», ainsi que 30 millions pour un futur autobus électrique. Le bioraffinage forestier et les «écolos TIC» (des technologies de l'information à faible empreinte environnementale) seront soutenus à hauteur de 30 millions chacun.

Un cinquième projet sera choisi par concours, mais Québec annonce déjà qu'il mettra l'accent sur le secteur des sciences de la vie et celui de «l'innovation sociale».

Pour l'instant, tous les projets choisis s'inscrivent dans la mouvance de l'économie verte, et ce n'est pas un hasard.

«En vertu de l'OMC, les pays ont le droit d'utiliser des barrières pour des raisons environnementales. On pense que ça pourrait même devenir la prochaine guerre commerciale. Les Européens pourraient bien décider que tout avion qui survole l'espace européen ait un moteur qui ne dépasse pas un certain niveau de bruit ou d'émissions, par exemple», a expliqué le ministre.

Trois fonds regroupés

En recherche publique, l'annonce la plus significative est sans doute la création de Recherche Québec, une entité qui regroupera les trois fonds de recherche existants du gouvernement (le Fonds de recherche en santé du Québec (FRSQ), le Fonds québécois de recherche sur la nature et les technologies (FQRNT) et le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC)).

Le tout sera dirigé par un «scientifique en chef», une idée directement inspirée d'Israël, «un petit pays qui a des gains de productivité très élevés», dixit M. Gignac.

Québec veut aussi attribuer 300 bourses d'excellence de plus chaque année dans les universités, en plus d'augmenter les stages internationaux et faciliter l'intégration des étudiants étrangers. Notons que les fameux crédits à la R&D québécois, les plus généreux au pays, sont maintenus.

«On a mis une fiscalité très attrayante pour attirer les entreprises au niveau de la recherche et du développement. Et pour notre retour à l'équilibre budgétaire, on a décidé qu'on ne touchait pas au fardeau fiscal des entreprises», a dit le ministre Gignac.

 

Principales nouveautés

Le Fonds de recherche en santé du Québec (FRSQ), le Fonds québécois de recherche sur la nature et les technologies (FQRNT) et le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC) sont fusionnés pour former le Fonds Recherche Québec.

Le Fonds Recherche Québec sera dirigé par un scientifique en chef qui sera choisi par un comité spécial d'ici la fin de l'année.

Deux nouvelles mesures d'aide à la commercialisation sont créées, dont l'une pour les produits à faible empreinte carbone.

Québec lance « cinq grands projets mobilisateurs « pour stimuler la recherche:

1- L'avion écologique

2- L'autobus électrique

3- Le bioraffinage forestier

4- Écolo TIC (systèmes informatiques à faible empreinte environnementale)

5- Un cinquième projet qui sera choisi par concours

Une stratégie de l'entrepreneuriat suivra à l'automne.

 

Où va l'argent frais

190,1 millions

Recherche universitaire

44,7 millions

Bourses et stages internationaux

202,7 millions

Augmentation de la productivité et de la compétitivité

180 millions

Grands projets mobilisateurs

617,5 millions

Total (Cette somme inclut 135 millions non attribués provenant de la stratégie précédente, ce qui porte l'injection de véritable argent frais à 482,5 millions.)