Le 1212 Redpath Crescent a des allures de manoir aristocratique, au flanc du Mont Royal. C'est pourtant dans cette maison que se serait orchestrée une arnaque boursière aux ramifications internationales, selon une enquête de La Presse.

L'homme qui habite la luxueuse propriété s'appelle Andréa Cortellazzi. Il attire ses clients par personne interposée, bien qu'il n'ait pas de permis de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Toujours tiré à quatre épingles, M. Cortellazzi met ses clients en confiance en leur parlant de ses réussites, de son adhésion dans les clubs de golfs, de son gros bateau, etc.

Aujourd'hui, de nombreux investisseurs lui réclament chacun plusieurs dizaines de milliers de dollars, certains par la voie des tribunaux. Ils se plaignent d'avoir été floués dans une affaire de placements dans des petits titres boursiers aux États-Unis. L'AMF est sur le point d'intervenir, selon nos informations.

Les entreprises en cause sont généralement inscrites sur une bourse parallèle et peu réglementée, appelée Pink Sheet. Leurs titres se transigent pour quelques cents l'action.

Jean-Marc Lugand, de Val-David, est l'une de ses victimes. Comme d'autres, il tente depuis des mois de se faire rembourser son dû, mais en vain. L'été dernier, Andréa Cortellazzi a soutiré 90 000$ à M. Lugand et à son associé, Frédéric Roy, qui cherchaient des moyens de financer une cause humanitaire.

«Des gars comme vous, je peux les aider à leur faire réaliser leurs rêves. J'ai d'excellentes occasions», leur a-t-il dit.

Il leur fait donc la promotion d'une entreprise dite «environnementale» appelée Wanderport (WDRP), de Floride. Cette coquille en Bourse commercialise depuis peu des appareils chauffe-eau alimentés avec des micro-ondes. L'investissement doit rapporter 40-50% en quelques jours, leur promet M. Cortellazzi.

Les deux associés y placent un premier 20 000$ puis un deuxième, après avoir constaté les présumés rendements mirobolants du titre. «Il nous appelait régulièrement pour nous dire que l'action montait», raconte M. Lugand, qui s'est mis à recevoir des courriels sur le sujet.

Des chèques totalisant 90 000$ lui sont ainsi remis.

Après un certain temps, Jean-Marc Lugand a voulu ravoir son argent, mais Andréa Cortellazzi trouve toujours une raison pour en reporter le paiement: les fonds ont été réinvestis, ils sont gelés temporairement, la banque demande un délai administratif, etc.

À deux reprises, des chèques de 20 000$ et 30 000$ leur ont été remis, mais le compte est sans provision. La deuxième fois, Jean-Marc Lugand constate que le compte bancaire du chèque avait été fermé six mois auparavant!

À force de pressions et de menaces, Andréa Cortellazzi signe finalement une reconnaissance de dettes de 145 000$ à MM. Lugand et Roy, l'automne dernier, soit le total du capital et du rendement promis. En plus, on a offert au duo des actions d'une autre coquille en Bourse, appelée m45 Mining Ressources, du Nevada.

«Il nous avait déjà parlé de m45, un produit qui allait être une bombe.»

Wanderport est promue comme une entreprise prometteuse. Depuis l'automne, elle multiplie d'ailleurs les annonces d'ententes de «multi-millions de dollars» avec des distributeurs des États-Unis, de l'Australie, de l'Espagne, de l'Italie. Dans les faits, l'inventeur du produit en est à une deuxième tentative de commercialisation et n'a pas vendu un seul chauffe-eau depuis cinq ans.

Quant à la minière m45, Jean-Marc Lugand et son associé ne devraient pas trop y compter pour se refaire, si l'on se fie aux problèmes qu'a connu un autre couple d'investisseurs.

À l'automne 2009, m45 était censé exploser en Bourse, au dire d'Andréa Cortellazzi, grâce à la découverte imminente d'un gisement à Matagami, dans le Nord du Québec. Or, un autre couple d'investisseurs s'est fait raconter la même histoire au sujet de m45 en juin... 2007.

L'histoire de cet autre couple, Marc Blais et Diane Verrette, ressemble à s'y méprendre à celle de Jean-Marc Lugand, mais à deux ans d'intervalle. Mêmes chèques sans provision, même appels répétés, même type de reconnaissance de dette. «Je me suis rendu au 1212 Redpath Crescent pour le rencontrer au moins 50 fois, mais il avait toujours des raisons de reporter le remboursement», raconte M. Blais.

À l'époque, Marc Blais et sa conjointe avaient d'abord investi 50 000$ dans m45, est-il indiqué dans une poursuite déposée en Cour. Le couple s'était fait dire par M. Cortellazzi que le titre passerait de 15 cents à 75 cents l'action en deux semaines, soit un rendement de 400%. m45 a comme siège social le 1212 Redpath Crescent.

«Le but de cette souscription de fonds était le forage d'un terrain à Matagami. Finalement, il n'y a jamais eu de forage», nous dit Marc Blais au téléphone.

À l'été 2007, alors que le couple Blais est toujours en confiance, Andréa Cortellazzi leur propose un autre investissement, cette fois dans UMining Ressources, une entreprise de Floride qui a des droits miniers à Mont-Laurier. Nouvelle sortie de fonds de 25 000$, nouvelles démarches pour récupérer l'argent. «Il a approché des gens pour les flouer, ce n'est pas plus compliqué que ça», dit M. Blais.