Le gouvernement du Québec aurait utilisé une méthode biaisée de comparaison de sa dette pour «faire peur au monde» et mieux faire passer ses compressions budgétaires.

Voilà le message lancé par les principaux dirigeants syndicaux, hier, sur la base d'une étude de l'économiste de gauche Louis Gill. Les dirigeants Michel Arsenault (FTQ), Claudette Carbonneau (CSN) et Réjean Parent (CSQ) estiment que le gouvernement a noirci les chiffres pour «terroriser la population» et «faire avaler les compressions», ont-ils dit à l'unisson.

Les syndicalistes font allusion à l'étude du ministère des Finances du Québec, publiée en février, qui compare la dette du Québec avec celle des principaux pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Pour faire cette comparaison, le Ministère a imputé au Québec une part de la dette fédérale. Cette méthode placerait le Québec au cinquième rang des territoires les plus endettés, avec une dette brute représentant 94,5% de son produit intérieur brut (PIB).

L'économiste Louis Gill estime cette méthode inadmissible. «Le gouvernement du Québec n'a aucune responsabilité dans l'accumulation de cette dette fédérale et de payeur de dernière instance», dit M. Gill.

«Ce chiffre a été utilisé à tour de bras par ceux qui ont intérêt à noircir la situation de manière à présenter le Québec comme une société qui vit au-dessus de ses moyens», dit-il.

En reprenant la même méthodologie, l'Ontario verrait sa dette brute passer de 38% du PIB à 80%, estime M. Gill. Et, dans le cas de la Californie, qui vit une situation financière très difficile, l'inclusion de la part du gouvernement central américain ferait passer son endettement de 27% à 89% de son PIB. Selon Louis Gill, cette comparaison démontre l'absurdité de la méthode.

Rappelons que les pays de l'OCDE ont un endettement brut moyen équivalant à 78,4% de leur PIB, selon les données les plus récentes (2008). Selon le ministère des Finances, le Québec serait à 94,5%, quelques points sous la Grèce (102,6%), l'Italie (114,4%) et le Japon (172,1%).

Le ministère des Finances, rappelons-le, a également utilisé l'endettement net plutôt que brut pour faire des comparaisons. Dans ce cas, l'endettement soustrait les actifs financiers des gouvernements (Hydro-Québec, etc.). Avec l'endettement net, le ministère des Finances obtient pour le Québec un classement identique (cinquième rang avec 56% du PIB), près de la Grèce, du Portugal et des États-Unis. La moyenne de l'OCDE est à 41,9%.

Selon Louis Gill, il faut plutôt s'en remettre à l'endettement global du Québec tel que présenté par le gouvernement aux organismes de réglementation des pays prêteurs tels les États-Unis, le Japon et la Grande-Bretagne.

En se basant plutôt sur cette méthode rigoureuse, «l'endettement global du Québec tourne autour de 60%, ce qui est nettement inférieur à la moyenne de l'OCDE», a dit M. Gill.

L'économiste retraité de l'UQAM convient que le Québec est la province la plus endettée au Canada. Mais il estime qu'elle demeure raisonnablement endettée, sachant que le Fonds monétaire international (FMI) a parlé pour les pays d'un endettement de 60% du PIB comme étant raisonnable. En réponse aux questions, Louis Gill n'a pas su dire pourquoi, dans ce cas, il comparait ce taux de 60% des pays à celui de 60% d'une province.

Par ailleurs, Louis Gill fait valoir que le Québec a mieux traversé la crise qu'ailleurs justement parce qu'il s'est endetté pour investir dans les infrastructures publiques.

Hier, les ténors syndicaux, appuyés par des organismes de recherche de gauche, ont fait valoir que les problèmes du Québec en étaient un de revenus et non de dépenses. Selon eux, le gouvernement de Jean Charest n'aurait pas dû réduire les impôts de près d'un milliard, il y a trois ans. Il aurait également dû récupérer plus rapidement le point de TPS délaissé par le fédéral.