Dans le secteur financier, les primes font partie intégrante de la rémunération, estime le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand.

À ce titre, les employés de la Caisse de dépôt ne verront pas leurs primes sabrées.

Au passage, le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDP), Michael Sabia, a donné un coup de pouce inattendu au gouvernement dans la guerre qu'il mène à la mise en place d'une société unique des valeurs mobilières pour l'ensemble du pays.

 

«Le système actuel fonctionne bien, c'est ce que je pense depuis longtemps», a soutenu M. Sabia, interrogé sur le rôle de l'Autorité des marchés financiers dans le contexte du projet d'Ottawa.

En marge de la commission parlementaire chargée d'étudier les crédits de son ministère, le ministre Bachand a soutenu, en réponse au péquiste de Rousseau, Nicolas Marceau, que les primes au rendement à la Caisse n'avaient pas la même fonction que les bonus des autres dirigeants de sociétés d'État.

«Les spécialistes financiers de la Caisse sont très différents des autres. Dans les marchés financiers, la rémunération incitative est au coeur de la rémunération. Je connaissais des courtiers dont le salaire était de 50 000$ par année, mais qui gagnaient dans les faits 400 000$», a expliqué à La Presse le ministre Bachand.

À la Caisse, en 2009, les cinq principaux dirigeants se sont partagé 1,1 million de primes - le président Michael Sabia n'a pas eu de bonification. Les primes avaient été abolies en 2008 quand l'organisme avait perdu 40 milliards de dollars, 25% de son portefeuille. L'année précédente, les primes pour ce groupe avaient atteint un sommet, à 4,6 millions.

Le gouvernement déposera sous peu un projet de loi pour limiter les primes des dirigeants des sociétés commerciales. Des informations de coulisse indiquent qu'on envisage de réduire de 10% les seuils admissibles; un président d'organisme, qui pourrait avoir jusqu'à 30% de sa rémunération en bonus, serait désormais plafonné à 20%.

McKenzie

Par ailleurs, l'adéquiste François Bonnardel a réclamé des comptes sur le mandat de 10 millions accordé à McKenzie pour aider à Caisse à améliorer sa gestion du risque en investissement. Selon le vice-président Claude Bergeron, il est clair qu'il s'agit d'une décision coûteuse, mais, en travaillant de pair avec l'équipe de McKenzie, celle de la Caisse a intégré plus profondément une expertise précieuse.

Selon le président Sabia, la gestion du risque par la Caisse, un point faible au moment de la crise financière, a fait l'objet d'une attention toute particulière.

La Caisse est désormais «plus agile» pour faire face aux fluctuations des marchés, «dans l'avenir les marchés seront de plus en plus volatils» prédit-il. La Caisse se sert encore des agences d'évaluation de crédit - le recours à une seule évaluation avait été à la source de la déroute des papiers commerciaux. Cependant, a souligné M. Sabia, dans bien des cas, elle développe ses propres indices, souvent plus prudents que ceux des firmes spécialisées.

Paradis fiscaux

Le président s'est par ailleurs dit embarrassé par la participation de la Caisse dans des institutions financières qui investissement massivement dans les paradis fiscaux.

Le député péquiste de La Prairie, François Rebello, est revenu à la charge pour inciter l'organisme à appuyer une plus grande transparence sur ces questions. Selon lui, la Caisse ne tient pas compte du risque supplémentaire que comportent ces investissements étrangers, puis qu'elle refuse même que la question soit posée aux réunions d'actionnaires.

Ainsi, la Caisse s'est opposée à ce que la CIBC ait à fournir un rapport à ses actionnaires sur «la mesure dans laquelle la banque est exposée à des paradis fiscaux».

«C'est inquiétant, ces paradis fiscaux jouent un rôle important dans l'évasion fiscale, dont sont victimes le gouvernement et les contribuables québécois», a dit M. Rebello.

À la fin de l'année 2009, la CIBC, par l'entremise de ses filiales, détenait 8,8 milliards de placements dans ces paradis fiscaux, 37% de sa capitalisation boursière. Des poursuites juridiques pourraient affecter la valeur de ces placements.

Or, la Caisse détient 110 millions d'actions de cette banque, sans pouvoir connaître dans le détail les activités des institutions financières dans ces économies «grises».

Selon Maxime Chagnon, porte-parole de la Caisse de dépôt, ces questions suscitent à l'évidence un «malaise» à la Caisse. «Pour nous, la solution passe par un dialogue avec ces institutions financières», explique-t-il.