Les sociétés d'État commencent déjà à grogner contre la réduction projetée des bonis accordés aux gestionnaires: Québec courrait ainsi le risque de tuer la poule aux oeufs d'or.

Les grands patrons de Loto-Québec et de la Société des alcools du Québec (SAQ) ont clairement fait savoir, vendredi, que la réduction ou l'élimination des primes mettra en péril les performances des organismes. De plus, il sera encore plus difficile de recruter des cadres compétents.

Le président-directeur général de la SAQ, Philippe Duval, est lui-même prêt à sacrifier sa prime. En point de presse après la commission parlementaire sur l'étude des crédits, il a toutefois estimé que les intentions de Québec doivent être «transitoires», puisque les résultats finiront par en souffrir à long terme.

«Je vois ça comme une pause, a commenté le mandarin de la SAQ. Mais clairement, à long terme, il va falloir que la bonification retrouve sa place dans la rémunération globale des hauts dirigeants des sociétés d'État et de la fonction publique.»

Au dire de M. Duval, la performance et les résultats sont au rendez-vous, donc ce serait «mettre en péril les résultats à long terme de ne pas respecter les meilleures pratiques en rémunération globale».

La rénumération à bonification «importante»

Les meilleures écoles de gestion enseignent que la rémunération à bonification est «importante», a-t-il argué.

Le président de Loto-Québec, Alain Cousineau, a quant à lui évoqué qu'il en était à ses troisièmes directeurs généraux des casinos de Montréal et de Gatineau, car les salaires qui leur sont versés ne sont pas assez concurrentiels.

«Je ne vous cache pas que ces gens-là ont quitté pour de meilleures conditions, c'est très clair, a-t-il précisé, lui aussi au sortir de la commission parlementaire. Alors nous, on avait un problème sérieux de recrutement de hauts dirigeants, on a donc bâti un système qui ne nous met pas au pair du marché privé (...), mais (qui comporte) une partie de la rémunération variable.»

Selon lui, un plan de bonification est «fondamental» pour que Loto-Québec joue bien son rôle.

«C'est un outil de motivation important», a-t-il insisté, en ne disant pas qu'il s'engageait à renoncer lui aussi, à l'instar de son confrère de la SAQ, à son boni, qui peut atteindre un maximum de 15 pour cent de son salaire.

«Je suis la marée», s'est-il contenté d'imager.

L'administration Charest s'était engagée dans son dernier budget à suspendre pour deux ans les bonis versés dans l'appareil gouvernemental et au sein des sociétés d'État, sauf celles qui sont dites à vocation commerciale, comme Hydro-Québec, la Caisse de dépôt et placement et la SAQ.

Toutefois, il a fait machine arrière et déposera prochainement un projet de loi qui forcera aussi ces sociétés à vocation commerciale à réduire leur programme de bonification.

Le ministre des Finances, Raymond Bachand, a répété que son budget demandait déjà un «effort équivalent» aux sociétés à vocation commerciale, mais n'a pas voulu préciser les modalités de réduction qui seront exigées dans sa future loi.

«Les politiques de rémunération incitative, c'est intelligent, parce que ça aligne les intérêts des organisations du premier employé jusqu'au dirigeant», a-t-il déclaré, en point de presse, au terme la commission parlementaire.

Par contre, au moment où on demande aux employés de l'État un effort, il faut aussi un «geste de solidarité» des sociétés d'État, a-t-il convenu.

Il s'objecte toutefois catégoriquement au retrait rétroactif des bonis versés pour 2009, tel que réclamé par l'opposition péquiste.

Toutefois, ce sont les finances publiques et la situation économique qui justifient un geste rétroactif, a plaidé le porte-parole péquiste en matière de Finances, Nicolas Marceau. Il veut qu'on lui fasse la preuve qu'il est plus ardu de recruter des hauts cadres dans les sociétés d'État que dans l'entreprise privée.

«Pour la rétro des hauts dirigeants, aucune difficulté avec ça», a-t-il rétorqué, après l'étude des crédits.

«Ils font beaucoup pitié, a-t-il lâché, avec ironie. Je suis plus inquiet pour nos infirmières et nos enseignants à qui on offre des miettes.»