Il y a un an déjà, le gouvernement Charest a demandé aux dirigeants d'Hydro-Québec de renoncer à leurs généreux bonus. La requête n'a pas eu l'impact souhaité; non seulement les bonus ont été maintenus pour tout le monde, mais celui du président Thierry Vandal a même augmenté, passant de 122 000$ à 125 000$.

La question des primes accordées aux cadres des grandes sociétés d'État est revenue embêter le gouvernement Charest, hier, à l'Assemblée nationale. Devant la controverse, Québec a décidé de déposer un projet de loi d'une portée très large, prohibant pendant deux ans les bonus pour tout le monde. Ou presque. Dans le cas des «sociétés commerciales», régies par la Loi sur la gouvernance, celles-ci devront sabrer leurs programmes de bonus.

Il s'agit d'une volte-face: pas plus tard que dimanche dernier, le premier ministre Charest a défendu ces bonus pour les cadres aux compétences particulières. Il s'agissait de «ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain», a-t-il soutenu.

Depuis, la pression a monté. Après que sa prime de 40 000$ (15% d'un salaire de 268 000$) eut été critiquée à l'Assemblée nationale en matinée, le président d'Investissement Québec, Jacques Daoust, a fait savoir hier à son ministre, Clément Gignac, qu'il y renonçait. Il a aussi dit qu'il renonçait à l'augmentation de salaire qui lui avait été accordée par son conseil d'administration. Dans sa lettre, qu'a obtenue La Presse, il souligne qu'Investissement Québec «fait preuve d'une grande maturité dans ces circonstances». Les bonus de 2009 de l'ensemble de la direction d'Investissement Québec sont de la même valeur que celle de l'année précédente, 1,9 million.

Le président de la Société générale de financement, Pierre Shedleur, avait déjà renoncé à sa prime de 31 000$. Son organisation, il faut le rappeler, était déficitaire de 245 millions.

Hydro-Québec

Dans une lettre transmise en juin 2009 au conseil d'administration d'Hydro-Québec par l'ancien ministre des Ressources naturelles Claude Béchard, le gouvernement demande à la société d'État de se conformer à sa décision de ne pas accorder de primes au rendement pour 2009-2010.

Le conseil d'administration d'Hydro a imposé un gel salarial pour les 32 cadres les mieux rémunérés en 2009, reconnaît d'emblée le ministre Béchard, une initiative qui est «un pas dans la voie tracée par le gouvernement».

«Toutefois, je m'attends à un effort plus substantiel de la part d'Hydro-Québec, une société d'État dont les activités sont attentivement suivies par la population en général», affirme M. Béchard dans la missive que La Presse a obtenue.

Le ministre de tutelle d'Hydro poursuit: «J'apprécierais donc qu'à la prochaine réunion du conseil d'administration, les membres s'inspirent de la décision du gouvernement et demandent une contribution additionnelle au personnel de direction d'Hydro.» Pour toute réponse, le président du conseil de la société d'État, Michael Turcotte, a répliqué par une fin de non-recevoir. Moins d'un mois plus tard, M. Béchard est passé à l'Agriculture, remplacé par Nathalie Normandeau aux Ressources naturelles.

«Une petite gêne»

Hier, Mme Normandeau a soutenu ne jamais avoir entendu parler de cette lettre. «La prime de M. Vandal pour 2009, c'est réglé», mais pour la suite des choses, «je n'ai pas dit que c'était acceptable», a-t-elle insisté. Quoi qu'il en soit, le message du gouvernement est autrement plus clair désormais: «C'est une position gouvernementale, pour 2010-2011 et 2011-2012, le message envoyé est de se garder une petite gêne pour les bonus dans le contexte budgétaire.» Ce message «vient du premier ministre, de la présidente du Conseil du Trésor, du ministre des Finances», a résumé Mme Normandeau.

Le critique péquiste en matière d'énergie, Sylvain Gaudreault, a relevé que, même sur la sellette, le président d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, n'a pas daigné aller s'expliquer en commission parlementaire pour l'étude des crédits du ministère de Mme Normandeau.

«Le PDG d'Hydro devrait venir expliquer pourquoi il a eu une année aussi misérable et qu'il s'est payé une belle prime sur le dos des Québécois», a lancé le leader parlementaire péquiste, Stéphane Bédard. Le ton a monté quand Mme Normandeau a rappelé que Pauline Marois bénéficiait «à la maison» d'une pension à vie - son mari Claude Blanchet a obtenu une pension de 80 000$ par année pour ses six années passées à la tête de la Société générale de financement, qui avait fait alors d'énormes déficits. «Avec les pertes de 40 milliards à la Caisse de dépôt, le premier ministre va-t-il renoncer à sa pension?» a répliqué M. Bédard.

Selon la ministre Normandeau, c'est la pratique habituelle; les présidents d'Hydro-Québec ne viennent pas à l'étude des crédits des ministères. À la différence de tous les autres présidents d'organismes, de Loto-Québec à Investissement Québec.

Il y a quelques semaines, la ministre des Transports, Julie Boulet, a dénoncé avec vigueur la décision des dirigeants de la Société de l'assurance automobile de s'accorder d'importants bonus. Selon Mme Normandeau, dans le cas d'Hydro, il faut tenir compte d'un contexte différent: «Pour l'ensemble des sociétés d'État à vocation commerciale, on va demander aux dirigeants, comme à M. Vandal, de se plier à des exigences comparables, de faire des efforts comparables aux autres dirigeants de sociétés d'État.»