Chaque budget comporte son lot d'aspects méconnus. Le budget 2010 et ses six volumes est un grand cru à cet égard. Les soldats du ministre des Finances, Raymond Bachand, ont fait des études et des analyses sur une foule de sujets. Voici donc six des facettes méconnues du budget.

Les intérêts sur la dette augmentent plus que la santéQuestion: quel poste de dépenses augmentera le plus d'ici l'atteinte du déficit zéro, dans quatre ans? La santé, l'éducation, les routes? Pas du tout. Les frais d'intérêts sur la dette l'emportent haut la main.

Pour l'année qui vient de se terminer, Québec a déboursé 6,2 milliards de dollars pour son service de la dette, soit le paiement du capital mais surtout, des intérêts sur la dette. Dans quatre ans, ce poste budgétaire accaparera 56% de plus, soit 9,6 milliards, prévoit le ministère des Finances.

En comparaison, la croissance sera de 21% pour les dépenses de santé (15% si l'on ne prend que les dépenses financées par le fonds consolidé).

La santé conserve le premier rang si l'on mesure la croissance en valeur absolue (ou en dollars), mais de peu. Au cours de l'année financière 2013-2014, les dépenses de santé financées par le fonds consolidé se chiffreront à 31,1 milliards. Il s'agit d'une hausse de 4,1 milliards par rapport à l'année qui vient de se terminer.

En comparaison, le bond est de 3,4 milliards pour le service de la dette. Autrement dit, si les prévisions du Ministère s'avèrent, les nouveaux revenus tirés des deux hausses de la TVQ (2,4 milliards) ne seront pas suffisants pour payer les nouveaux frais d'intérêts sur la dette.

Trois raisons expliquent l'explosion. D'abord, il y a l'augmentation prévue des taux d'intérêt. Ensuite, les déficits annuels d'ici 2014 viendront gonfler la dette et produiront des frais d'intérêts.

Enfin, pour des raisons techniques, les mauvais rendements de la Caisse de dépôt et placement en 2008 viennent doper le service de la dette du Québec. Essentiellement, cette hausse s'explique par les rendements plus faibles que prévu du Fonds d'amortissement des régimes de retraite (FARR) des employés du gouvernement, géré par la Caisse. Ces mauvais rendements doivent être comblés par une hausse du service de la dette.

Cette année, le service de la dette est ainsi gonflé de 531 millions en raison des rendements de la Caisse. Cette facture passera à 878 millions l'an prochain, soit presque autant que les sommes perçues pour l'impôt santé (945 millions à partir de 2012).

Alors, qui juge encore que la dette est secondaire?

Les sables bitumineux n'enrichissent pas le Québec

L'Alberta et le Québec se sont crêpé le chignon sur les sables bitumineux, l'environnement et la péréquation. C'est bien beau de critiquer notre pétrole bitumineux, a déclaré le premier ministre albertain, Ed Stelmach, mais il vous permet de financer vos mesures sociales grâce à la péréquation.

Or, il appert que les revenus tirés des sables bitumineux ne changent rien aux transferts de péréquation versés au Québec, selon des calculs du ministère des Finances du Québec.

La péréquation, rappelons-le, est un programme destiné à redistribuer la richesse entre les provinces de sorte que tous les Canadiens puissent bénéficier des mêmes services.

Aux fins de l'exercice, le ministère des Finances a retranché totalement du calcul de la péréquation les revenus tirés des sables bitumineux. Résultat: sans les sables bitumineux, le Québec recevrait exactement la même somme.

«Il n'y a plus de lien entre les revenus tirés par l'Alberta de ses sables bitumineux et le niveau des paiements de péréquation que reçoit le Québec», est-il écrit dans le budget.

Cette constatation découle du plafonnement imposé au programme de péréquation par le fédéral en novembre 2008. Compte tenu de ce plafonnement, l'inclusion ou non des sables bitumineux dans le calcul ne change rien aux chèques que reçoit le Québec. Pour l'exercice en cours, ces chèques totaliseront 8,55 milliards de dollars.

Il faut convenir, toutefois, que l'Alberta s'est beaucoup enrichie avec le sable honni. Les salaires des travailleurs, la valeur des maisons et tout le reste a augmenté, et cette richesse n'est pas sans effet sur la péréquation. La précision du Ministère a tout de même le mérite d'avoir mis les choses en perspectives.

Vraiment trop chère, l'électricité?

C'est maintenant connu, le Québec augmentera de manière importante ses tarifs d'électricité à partir de 2014. Ce qui est moins connu, c'est l'écart qui subsistera avec les autres provinces.

Certains pourraient croire qu'avec la hausse annuelle moyenne de 3,7% entre 2014 et 2018 (15,6% sur quatre ans), les clients résidentiels du Québec perdront leur avantage sur les autres provinces. Or, il n'en est rien.

Au terme de la hausse, en 2018, le tarif résidentiel passera à 8,24 cents le kilowattheure (kWh). Or, cette année, le tarif résidentiel moyen facturé ailleurs au Canada est de 11,17 cents/kWh. Ainsi, malgré la hausse, les résidants du Québec conserveront un avantage de 26,2% par rapport au reste du Canada, selon le ministère des Finances.

Ainsi, pour une consommation type d'un logement de 1000 kWh par mois, la facture sera de 989$ par année au Québec par rapport à 1340$ dans le reste du Canada.

Ailleurs, le tarif résidentiel est de 11,46 cents à Toronto, 12,13 cents à Calgary, 15,05 cents à Chicago et plus de 25 cents/kWh à New York et Boston.

L'histoire est bien différente pour les entreprises. La hausse graduelle proposée fera passer le tarif de 7,21 cents à 8,65 cents/kWh pour les PME. Au terme de la hausse, en 2018, l'avantage sera de seulement 5% avec le tarif moyen ailleurs au Canada (9,11 cents).

Précisons que le tarif en 2018 est une estimation qui exclut les hausses annuelles que demandera Hydro-Québec à la Régie de l'énergie. Ces hausses sont souvent comparables à l'inflation.

Les comptables augmentent la dette de 4,6 milliards

On a parfois reproché au gouvernement du Québec de jouer avec la comptabilité pour maquiller les chiffres. Cette fois, c'est l'application obligatoire de nouvelles normes comptables qui viennent changer la donne, et pas pour le mieux.

Pour s'y conformer, Québec a dû augmenter son déficit cumulé de... 4,6 milliards de dollars. La hausse s'applique au 31 mars 2010 et fait passer de 102 à 106,6 milliards les déficits cumulés qui constituent, faut-il le préciser, un des postes de la dette du Québec.

Deux séries de normes enlaidissent les chiffres. D'abord, les entreprises ayant une obligation publique à rendre des comptes doivent se conformer aux normes internationales IFRS (International Financial Reporting Standards).

Ces normes frappent particulièrement Hydro-Québec. Elles diffèrent des normes en vigueur pour la comptabilisation des immobilisations. Cette différence a pour effet de réduire les bénéfices non répartis d'Hydro et, par ricochet, la valeur de la participation du gouvernement dans Hydro. Le dégonflement de valeur comptable se chiffre à 3,8 milliards.

Le deuxième changement est imposé par l'application des nouvelles normes comptables canadiennes aux réseaux de la santé et de l'éducation. Il s'agit des normes de l'ICCA (Institut canadien des comptables agréés). Leur application a pour effet d'accroître les déficits cumulés, donc la dette, de 869 millions. Redressement total: 4,6 milliards.

Le Québec compte moins de pauvres qu'ailleurs

Le Québec a l'un des plus forts taux de pauvreté au Canada, entend-on souvent. Or, il appert que le Québec est plutôt l'une des provinces qui comptent proportionnellement le moins de familles pauvres.

La démonstration est reprise par le ministère des Finances du Québec dans le dernier budget. Pour faire la comparaison, le Ministère a utilisé les chiffres les plus récents (2007) sur le taux de faible revenu par province publiés par le ministère fédéral des Ressources humaines et du Développement des compétences.

Le seuil de faible revenu est déterminé par Statistique Canada selon un panier de consommation type qui comprend la nourriture et les vêtements, mais également le logement et le transport.

Globalement, le taux de faible revenu des familles est de 6% au Québec, ce qui le situe au deuxième rang des plus petits taux parmi les provinces canadiennes. Le champion est l'Alberta (5,2%). L'Ontario et la Colombie-Britannique sont nettement au-dessus du Québec, avec des taux respectifs de faible revenu de 7,9% et 9,5%. La province où il y a le plus de familles pauvres est le Nouveau-Brunswick, avec un taux de 11,2%.

Notre province se distingue pour le bas taux de pauvreté relatif des enfants, une statistique critique. Ainsi, le taux de faible revenu chez les moins de 18 ans est de 7,3% au Québec contre 12,3% en Ontario, 17,3% au Nouveau-Brunswick et 18,4% en Colombie-Britannique.

En somme, le Québec a plus d'impôts, mais moins de pauvres.

Le Canada redistribue moins sa richesse qu'ailleurs

Le mythe: parce qu'il est une fédération, le Canada redistribue davantage la richesse entre les provinces qu'ailleurs. La réalité: la péréquation est moins généreuse que dans la plupart des pays de l'OCDE.

C'est ce que soutient le ministère des Finances du Québec dans un de ses documents budgétaires. Selon le Ministère, le coût du programme canadien est moins élevé que le coût moyen des pays de l'OCDE qui disposent d'un tel mécanisme. L'OCDE est l'Organisation de coopération et de développement économique.

Au Canada, le coût du programme équivaut à 1% du produit intérieur brut (ensemble des biens et services produits dans une année). En comparaison, ce taux est de 1,2% en Grèce, 2% en Allemagne, 2,6% en Suède, 3% en Espagne, 3,8% en Finlande et 4% au Japon.

La moyenne des 16 pays analysés est de 2,3%. Seules la Norvège et l'Australie ont un système moins généreux, à 0,5% du PIB. Dans ce calcul, le 1% du Canada comprend la formule de financement des territoires.

Par ailleurs, toujours selon le ministère des Finances du Québec, la péréquation au Canada se situe à un niveau significativement plus bas que la moyenne des quatre dernières décennies. En utilisant une base de calcul historique comparable, la péréquation équivaut à 0,88% du PIB aujourd'hui, contre une moyenne de 1,02% depuis 1967. Le taux a atteint un creux de 0,71% au début des années 2000 et il remonte depuis. Le sommet a été atteint au début des années 80 (1,26%).