Inspection, filature, écoute électronique: le gouvernement sort l'artillerie lourde pour combattre le travail au noir et la criminalité dans la construction.

Dans le budget présenté mardi, un chapitre complet porte sur ce sujet délicat. Les pertes fiscales dans le secteur de la construction ont été de 1,46 milliard de dollars en 2008, estiment le ministère des Finances et Revenu Québec. Le gouvernement juge cette situation inacceptable, d'autant plus dans le contexte d'austérité budgétaire.

«L'État doit percevoir tous les revenus qui lui sont dus, avec rigueur et équité. Ni l'évasion fiscale ni l'évitement fiscal ne sauraient être tolérés. Chaque dollar dû et non perçu s'ajoute au fardeau des contribuables qui sont de bonne foi», a déclaré le ministre des Finances, Raymond Bachand.

Le gouvernement investira donc 15 millions dans une série de nouvelles initiatives destinées à contrer ce phénomène dans la construction. Le gouvernement espère récupérer 95 millions de plus dès cette année, sommes qui s'ajouteraient aux 250 millions obtenus l'an dernier.

Globalement, Revenu Québec «interviendra auprès de tous les acteurs impliqués dans les stratagèmes (d'évasion fiscale): les entrepreneurs, les sous-traitants, les travailleurs, ainsi que les institutions financières et les clients», est-il écrit dans le budget.

Présence sur les chantiers

Revenu Québec augmentera sa présence sur les 50 plus grands chantiers du Québec. Le ministère veut «reconstituer la chaîne de sous-traitance des entrepreneurs en temps réel et s'assurer que toutes les heures travaillées sont déclarées».

Actuellement, Revenu Québec dit être aux prises avec des stratagèmes de prête-noms. Au moment d'intervenir pour coincer des entreprises fautives, il arrive souvent que ces entreprises concernées n'existent plus, est-il expliqué dans le budget.

Revenu Québec aidera également les donneurs d'ouvrage public à déceler la présence de travail au noir sur leurs chantiers. Des clauses seront incluses dans les contrats avec les entrepreneurs pour contrer le phénomène.

En plus de l'évasion fiscale, le ministère compte s'attaquer aux criminels qui blanchissent des fonds dans le secteur de la construction. «La capacité d'enquête de Revenu Québec et de l'Autorité des marchés financiers (AMF) s'avère insuffisante pour contrer certains stratagèmes très organisés qui nécessitent des outils d'enquête policière, tels que l'écoute électronique ou la filature», est-il écrit dans le budget.

Pour lutter contre ce type de criminalité, le gouvernement a notamment créé le comité Actions concertées contre les crimes économiques et financiers (ACCEF), qui utilise l'information policière.

Des 15 millions de nouveaux fonds que le gouvernement dépensera, 2 millions seront versés à la Régie du bâtiment du Québec et 5 millions à la Commission de la construction du Québec (CCQ). Le comité ACCEF obtiendra aussi 3 millions de plus.

Le gouvernement n'a pas l'intention de s'arrêter là. Le 1er avril 2011, Revenu Québec sera transformée en agence, comme au fédéral, et s'appellera l'Agence du revenu du Québec. Cette transformation permettrait au gouvernement de récupérer 105 millions de plus dès la première année (2011-2012).

Le gouvernement s'attaquera également au commerce illicite du tabac et aux caisses enregistreuses complaisantes dans le secteur de la restauration, munies d'un logiciel zapper. Dans ce dernier cas, des modules d'enregistrement des ventes seront installés progressivement dès l'automne prochain.

À cette pléthore de mesures, ajoutons la lutte contre les «planifications fiscales agressives», c'est-à-dire l'évitement fiscal abusif. Depuis l'automne dernier, le gouvernement exige que les contribuables dévoilent au gouvernement toutes leurs planifications fiscales, sous peine d'amendes.

En somme, la récupération fiscale croîtra de façon exponentielle au cours des prochaines années, espère le gouvernement, passant de 320 millions cette année à 1,2 milliard en 2013-2014.