«Un tel programme, sans limites, ce n'est pas gérable pour l'État.»

Pour Daniel-Mercier Gouin, professeur en agroéconomie à l'Université Laval, il n'y a pas de doute: il fallait réformer le programme d'assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA).

Dans le contexte budgétaire actuel du gouvernement québécois, il n'était plus possible de continuer ainsi. «On était rendus au bout de la logique», a affirmé le professeur dans une entrevue à La Presse Affaires.

Dans le programme ASRA, chaque production a son propre fonds de compensation, financé par les producteurs (un tiers des cotisations) et la Financière agricole (deux tiers). Ces fonds peuvent aller en déficit quand les bas prix du marché commandent un niveau de compensation élevé. Le fonds sera renfloué dans les bonnes années, suivant le cycle des prix.

«Jusqu'en 2002, il y avait un équilibre dans ce fonctionnement, observe M. Gouin. Mais à partir de 2002, ça va mal.» C'est notamment le cas dans le porc, qui accumule les mauvaises années depuis 2005. Globalement, les fonds de l'ASRA empilent déficit sur déficit depuis ce temps.

Tant et si bien que le déficit accumulé atteint aujourd'hui 800 millions. Et la Financière agricole, qui ne disposait que d'un budget annuel de 305 millions, a dû emprunter pour payer ses cotisations au programme. De sorte que son déficit propre a touché les 650 millions.

«Relativement généreux»

Le soutien de l'ASRA est basé sur un «revenu stabilisé» composé des coûts de production et de la rémunération de l'agriculteur.

«Mais plusieurs productions, comme le bouvillon, l'agneau ou l'orge, ont des prix de marché toujours inférieurs au revenu stabilisé», note le professeur, qui a beaucoup étudié le dossier de l'ASRA. Il a notamment rédigé deux dossiers à l'intention de Michel St-Pierre, pour son rapport de février 2009 sur les programmes de soutien financier à l'agriculture.

M. Gouin ne dit pas que les agriculteurs ont trop de soutien ou qu'ils sont «sursoutenus». Mais il affirme que le soutien est «relativement généreux par rapport aux prix du marché».

«Les agriculteurs produisent en anticipant le soutien, précise-t-il. Les unités assurées sont en croissance dans la plupart des productions même si le prix du marché n'est pas à la hauteur.»

«Une telle intervention, relativement généreuse et sans limites, amène un soutien qui peut augmenter sans limites. Ce n'est pas gérable pour un État.»

Pour M. Gouin, il fallait donc réformer l'ASRA. Et il est possible de le faire sans l'abolir, croit-il. «C'est un bon programme, qui soutient les agriculteurs quand ça va mal.»

 

CHANGEMENTS PROPOSÉS À L'ASRA

JUSQU'EN 2009

AUCUN MAXIMUM POUR LES COMPENSATIONS

AUCUN MAXIMUM POUR LES UNITÉS ASSURÉES (la définition d'unité varie selon le type de production: bêtes, hectares, etc.)

MODÈLE CALCULÉ SELON UN ÉCHANTILLON COMPLET DE FERMES SPÉCIALISÉES

TIERS DE LA COTISATION ASSUMÉE PAR LE PRODUCTEUR

MISE À JOUR DES COÛTS DE PRODUCTION TOUS LES CINQ ANS

AUCUN PLAFOND INDIVIDUEL

À PARTIR DE 2010

ENVELOPPE MAXIMALE DE 759 MILLIONS

En cas de dépassement du montant global, un pourcentage de réduction de toutes les compensations sera appliqué sur l'ensemble des productions.

PLAFOND COLLECTIF DÉTERMINÉ POUR CHAQUE PRODUCTION

(moyenne d'unités assurées totales des trois dernières années pour chaque secteur). PAR EXEMPLE 7,66 millions de porcs, 842 000 hectares de cultures commerciales et 173 000 brebis.

MODÈLE CALCULÉ SUR LA BASE DES 75% DES FERMES LES PLUS EFFICACES DE L'ÉCHANTILLON

COTISATION DE BASE DE 33% (aucun changement).

COTISATION DE 50%SUR LE VOLUME ASSURABLE QUI EXCÈDE TROIS FOIS LA TAILLE DE LA FERME TYPE.

MISE À JOUR ANNUELLE DES COÛTS DE PRODUCTION

LES PRODUCTEURS N'AURONT PAS LE DROIT D'ASSURER PLUS QUE CE QU'ILS ONT ASSURÉ EN MOYENNE DE 2007 À 2009. Il y a une exemption pour la relève. Certaines fédérations (boeuf, agneau) ont déjà demandé et obtenu d'être exclues de ce système.