«In Memoriam, Réjeanne Bourdon-Murphy, 1935-2010. N'ayant pas laissé de directives, elle fut incinérée en Floride et ses cendres seront inhumées ultérieurement.»

La nouvelle publicité de Magnus Poirier s'appuie-t-elle sur la mort d'une inconnue pour qu'on tourne les yeux vers ses salons funéraires? C'est ce qu'a cru un blogueur, mercredi dernier, jour de la publication dans les quotidiens de l'annonce. «Bizarre», «de mauvais goût», «une façon terrible de souligner le décès de Mme Bourdon-Murphy», a-t-il écrit.

Eh! bien, non. N'empêche, l'exécution laisse croire à un drame réel et non à une mise en scène avec comédienne. «Ç'aurait été terrible de faire ça, estime Marc Poirier, vice-président de Magnus Poirier. Cela dit, des gens vont se reconnaître.»

Car s'asseoir avec un professionnel, un notaire, les membres de notre famille pour nommer un exécuteur testamentaire, choisir la tombe sur laquelle inscrire son nom ou le requiem qui enveloppera les pleurs des proches au cours de la cérémonie funéraire n'est pas une activité prioritaire pour bien des Québécois. «Dans notre société matérialiste, où l'on vit à 200 à l'heure, la mort est plus taboue que jamais, note Patrice Chavegros, vice-président ventes et service à la clientèle de Magnus Poirier. On la repousse. On pense de moins en moins à ceux qu'on va laisser derrière nous.»

M. Chavegros dit rencontrer très souvent des familles aux prises avec un parent décédé qui a omis de faire part verbalement ou par écrit de ses dernières volontés. Pire, il s'occupe de gens décédés qui n'ont personne pour prendre en charge légalement leurs funérailles, les rapatrier vers leur lieu de naissance, les mettre en terre.

Il rapporte le cas d'un homme mort qui n'avait qu'un voisin sans droit légal pour s'occuper de lui et dont la famille a été retracée après un mois et demi de recherches... en Espagne. «On a souvent du mal à retrouver les vrais preneurs de décision, affirme-t-il. Le fait que la volonté du défunt ne soit pas toujours dite au reste de la famille rend la situation difficile. Les proches disent: qu'est-ce qu'on fait? Qui va prendre en charge les funérailles? Outre le fait que ça retarde le processus funéraire, on gère l'incertitude.»

D'où l'importance, selon lui, de cette nouvelle campagne publicitaire baptisée «Pensez à eux. Pensez à vous». Elle comporte six versions qui mettent en vedette des hommes et des femmes d'âges et d'horizons différents et qui sera déclinée en quotidien sur quelques mois. Celles-ci prendront toutes l'allure d'un avis de décès. L'allure d'un vrai décès. «Pour que les gens se posent des questions», résume Patrice Chavegros.

Une bonne stratégie?

Pour attirer l'attention, Magnus Poirier ose confronter deux univers, le fictif et le réel. Une bonne stratégie? «Ce n'est pas choquant. Il n'y a pas d'artifice. Cette pub va à l'essentiel. Elle est sans détour, mais pas de mauvais goût, juge Marc Fortin, vice-président création de lg2, agence de publicité conceptrice des pubs du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, l'an dernier. Quand cette industrie annonce, elle doit être prudente sur le ton, être respectueuse et informative.»

La nouvelle campagne de Magnus Poirier arrive alors que l'industrie funéraire - un marché évalué à près de 315 millions de dollars dans la province, selon la Corporation des thanatologues du Québec - est en faible, mais constante croissance. Au Québec, on a compté 57 250 morts en 2009, une hausse de 1% par rapport à 2008. Cela dit, les investissements des entreprises croissent également, la construction d'un nouveau complexe funéraire pouvant aujourd'hui coûter 3 millions de dollars.

Par ailleurs, si la province compte 375 adresses funéraires, leur nombre va en diminuant. «Justement car la tendance est aux complexes funéraires, aux services réunis sous un même toit (chapelle, salle de réception, grand stationnement), selon Nathalie Samson, directrice générale de la Corporation des thanatologues. Les salons de petites paroisses ferment ainsi leurs portes.»