La tendance démographique est lourde. D'ici 2013, plus de Québécois sortiront du marché du travail que de jeunes et d'immigrants grossiront les rangs des 15 à 64 ans.

En fait, la population active a peut-être déjà rapetissé si l'on considère que les Québécois prennent leur retraite vers 60 ans, note l'économiste Mathieu Laberge, coauteur avec Claude Castonguay du rapport La longévité: une richesse, publié en janvier.

Cette réalité bien immédiate annonce de mauvais lendemains. La croissance économique est étroitement liée à celle de la population active. Qui dit décroissance dit appauvrissement.

«Avec 460 000 départs à la retraite, nous avons 550 000 emplois à combler d'ici trois ans. C'est un grand défi», dit Sam Hamad, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale.

Le vieillissement rapide du Québec mettra à rude épreuve ses finances publiques, déjà malmenées par la récession. Alors que les rentrées de fond chutent, les charges sociales explosent.

Le Québec n'est pas seul à faire face au vieillissement. Pour venir à bout des déficits structurels récurrents qui s'annoncent, plusieurs gouvernements ont commencé à relever l'âge légal de la retraite, pour reporter le paiement des pensions publiques.

L'Espagne est le dernier pays à avoir annoncé son intention de repousser l'âge de la retraite, de 65 à 67 ans d'ici 2024. La France de Nicolas Sarkozy y songe aussi. Ils rejoindraient l'Allemagne, le Danemark, la Norvège et les Pays-Bas, tous en chemin vers la retraite à 67 ans, de même que la Grande-Bretagne, dont l'âge de la retraite grimpera à 68 ans d'ici 2046.

Au Québec, il n'a jamais été question de toucher à l'âge de la retraite, indique le ministre Hamad. «Il faut s'assurer que, sur une base volontaire, les gens travaillent le plus longtemps possible», dit-il.

Il y a beaucoup à faire. En quittant à 60,2 ans en moyenne, les Québécois se retirent cinq ans avant le moment prévu. C'est aussi deux années plus tôt que les Canadiens, qui quittent le marché du travail à 61,9 ans, en moyenne.

Selon Mathieu Laberge, cette différence s'explique par le fait que de nombreux Québécois jouissent de régimes de retraite privés qui permettent une retraite anticipée sans de grandes pénalités.

C'est patent dans la fonction publique, où l'âge moyen de la retraite est de 58,3 ans contre 61,5 ans au privé, selon l'Institut de la Statistique du Québec.

«Le gouvernement est celui qui prêche le plus et qui en fait le moins», note l'actuaire Michel St-Germain, partenaire international de la firme Mercer.

Par exemple, les employés du gouvernement ne sont pas admissibles au nouveau programme québécois de retraite progressive. Ce programme vise à maintenir en emploi les travailleurs de 55 ans et plus, qui peuvent recevoir jusqu'à 60% de leur rente de retraite et un revenu pour leur travail à temps partiel. Cela pourrait changer avec le prochain contrat de travail, laisse toutefois entendre Sam Hamad, en refusant néanmoins de commenter les négociations en cours.

«Il faut essayer la carotte avant le bâton, dit Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke. Mais cette idée de travailler plus tard est difficile à vendre, parce que les gens l'associent aux travaux forcés.»

Une étude menée par Statistique Canada entre 1992 et 2002 révèle pourtant que 12% des nouveaux retraités seraient restés en poste s'ils n'avaient pas été forcés de partir.

Depuis 18 mois, Québec a mis en place des assouplissements comme la retraite progressive et des mesures incitatives comme une légère bonification de la rente versée par la RRQ, qui équivaut à environ 80$ par année. Mais il faudra faire plus pour convaincre les retraités que le gouvernement ne reprend pas d'une main ce qu'il donne de l'autre.

«La société nous met les bâtons dans les roues, juge Robert Losson, un boulanger de 79 ans en recherche d'emploi. J'ai payé des impôts toute ma vie. À l'âge que j'ai, je ne devrais plus avoir à en payer autant.»