La récession a fait son oeuvre et atteint maintenant la scène. Les revenus de commandite et provenant de plusieurs fondations privées sont en chute.

«C'est beaucoup plus difficile», explique le directeur général des Grands Ballets canadiens, Alain Dancyger, à propos de ses récentes campagnes de sollicitation.

Il avance les chiffres avec la même précision que ses danseuses alignent leurs pointes dans la salle d'à côté. Il avait prévu 250 000 $ provenant des fondations, il n'a reçu que 100 000 $. Le souper de gala du 1er mai, dont l'objectif est d'un demi-million, accuse «un peu de retard», à 300 000 $. «Des gens qui étaient là chaque année, qui achetaient une table à 6000 $, une table à 8000 $, on ne les a plus. Je comprends leur situation. Entre mettre des gens à pied et...»

La tempête boursière de 2008, qui a malmené les fondations privées, se transforme donc en casse-tête budgétaire pour les Grands Ballets, comme pour d'autres organismes culturels.

«Il y a eu, je vous dirais, une assez importante hécatombe au niveau des fondations, explique-t-il. Les fonds de dotation ont généré beaucoup moins d'intérêts. Là, il y a beaucoup de fondations qui ont dit qu'elles ne donnaient pas cette année parce qu'elles n'ont pas assez d'argent.»

«En ce moment, poursuit-il pour mettre en contexte, il y a baisse des revenus de fondations, baisse du secteur corporatif - que ce soit événements spéciaux ou commandites parce qu'il y a un recentrage et il y a des choix qui sont faits -, baisse des subventions fédérales et extrême sensibilité au prix de notre clientèle.»

Pis, sa soirée de gala se fait cette année sans présidence d'honneur. «C'est un autre phénomène qu'on voit: la difficulté pour des compagnies (culturelles) d'avoir des présidents de campagne. Je pense que les gens sont sursollicités. Ce sont toujours les mêmes personnes qu'on revoit partout.»

D'autres cas

L'exemple des Grands Ballets - où le salaire moyen d'un danseur est de 30 000 $ - n'est pas le seul. Les entreprises culturelles américaines ont constaté le même phénomène l'an dernier.

Ici, quelques coups de fil hier ont permis de constater que la baisse des fonds provenant des fondations est répandue. Au Théâtre du Nouveau Monde, les revenus provenant des fondations ont reculé de «20% à 25%», souligne Joanne Fyen, directrice du développement des affaires.

Au Groupe de la Veillée (Théâtre Prospero), l'objectif de financement est de 150 000 $. On commence à peine à appeler les donateurs potentiels. Il es donc difficile de tirer une conclusion. Déjà, toutefois, on a remarqué «des réponses où les gens ont invoqué la crise (pour ne pas donner) et je pense, en effet, que c'est une réalité», explique la directrice générale et artistique, Carmen Jolin.

La bonne nouvelle pour les organismes culturels, c'est que, les marchés ayant bien fait en 2009, les fondations devraient pouvoir augmenter leurs versements cette année. Un exemple: la Fondation du Grand Montréal a enregistré un rendement de 13,89% en 2009, comparativement à une perte de 12% en 2008.

Avec son «fonds communautaire», la fondation aide quelque 75 organismes, dont plusieurs dans le secteur culturel, dit la directrice des communications, Diane Bertrand.

Aux Grands Ballets, on a aussi trouvé, avec le temps, une autre source de financement. La venue cette semaine à Montréal de La Sylphide, du Ballet de Guangzhou, en Chine, est le fruit d'une «entente de réciprocité», dit M. Dancyger, dans laquelle sa troupe devient productrice de spectacles.

La troupe a aussi paraphé des «ententes de trocs» avec La Bavière et Houston. Ces accords, explique-t-il, permettent aux Montréalais de réaliser des profits qu'ils utilisent pour ensuite se rendre à l'étranger.

Mais, preuve que le remède n'est pas complet, il lui manque encore 350 000 $ des 500 000 $ nécessaires à sa tournée chinoise.