Le décès tragique du financier Nil Lapointe, de Saint-Sauveur, fait craindre le pire à un groupe d'investisseurs. Certains redoutent maintenant que sa structure financière n'ait été qu'un leurre, comme celle d'Earl Jones.

Selon trois informateurs, Nil Lapointe pourrait avoir recueilli des fonds auprès de centaines d'investisseurs ces dernières années. La collecte de fonds se faisait dans des assemblées, notamment à Montréal et à Saint-Sauveur. Les rendements promis oscillaient entre 2 et 5% par mois.

 

Depuis plusieurs mois, cependant, Nil Lapointe racontait aux investisseurs que leurs fonds étaient bloqués en Europe ou à Chypre, notamment en raison de la crise financière. Et mercredi, un courriel les a mis en état de choc.

«Nous sommes dans le regret de vous annoncer le décès de M. Nil Lapointe, il a mis fin a ses jours lundi le 8 février. Celui-ci a laissé par écrit qu'il avait perdu les sommes d'argent de nous tous et que le blocage n'a jamais existé. Le choc est tout aussi gros pour vous que pour nous. Le bureau de Montréal cesse ses activités immédiatement. L'Autorité des marchés financiers poursuivra son enquête», est-il écrit dans la missive que nous avons obtenue.

Le courriel est signé par la secrétaire de l'organisation, Carole Bellemare, et par le comptable Claude Hamel. La Presse Affaires a obtenu les numéros de téléphone des deux personnes, mais nos appels sont restés vains. Nous avons joint le fils de M. Lapointe, Pascal Lapointe, mais il n'a pas voulu nous parler.

La Presse a toutefois pu faire confirmer le décès de Nil Lapointe au Bureau du coroner, à Montréal, où le corps avait été transporté aux fins d'analyse le 9 février. L'homme d'environ 56 ans s'est suicidé, nous dit-on.

Il a été impossible de savoir combien d'investisseurs sont touchés par cette nouvelle affaire ni quelles sont les sommes en cause. Un des proches joints par La Presse estime que le chiffre pourrait atteindre entre 300 et 500 investisseurs, compte tenu du nombre de personnes présentes à une journée de séminaire auquel il a assisté.

Cette même personne, qui veut garder l'anonymat, estime que plus de 100 millions de dollars pourraient être en jeu, mais aucun document ne nous a été transmis pour appuyer ses dires.

Gestion Imagine

Un autre investisseur dit avoir lui-même placé 13 000$. Son rendement s'accumulait au rythme de 500$ par mois, sans être encaissé toutefois. Dans son cas, les fonds ont été placés dans les entreprises Tanzanite; pour d'autres, c'était dans Gestion Imagine. Ces deux entreprises sont inscrites au registre des entreprises avec Nil Lapointe comme dirigeant.

Tout était fait à l'insu du fisc, d'où les craintes des investisseurs à dénoncer publiquement l'arnaque. Officiellement, Nil Lapointe se déclarait d'ailleurs non-résidant canadien, évitant ainsi l'impôt à payer, nous dit-on. Dans certains cas, il donnait comme adresse sa villa en République dominicaine; dans d'autres, c'était le bureau de poste de Saint-Sauveur.

Deux de nos sources soutiennent que certains investisseurs ont hypothéqué leur maison sur recommandation de Nil Lapointe. Le financier pouvait ainsi récolter 200 000$ d'une seule personne. Il racontait aux investisseurs faire du trading et récolter 125% par mois.

L'affaire roulait depuis 2000, environ, et certains auraient même récupéré leurs mises de fonds grâce aux intérêts versés. En 2006, cependant, les fonds ont commencé à se tarir et les problèmes ont commencé, nous dit-on.

Outre Tanzanite et Imagine, Nil Lapointe utilisait plusieurs fiducies pour ses affaires. Mentionnons notamment la fiducie Mihael et la fiducie Arusha. Nil Lapointe a également des intérêts dans une luxueuse propriété de Morin Heights et dans le Mont Kristos (ancien centre de ski Mont Christie).

Au cours de ses recherches, La Presse Affaires a appris que Nil Lapointe avait agi comme conseiller en marketing, technologie, production et stratégie pour la société Millenium Capital Ventures Holding.

Cette entreprise, auparavant inscrite à une Bourse hors cote aux États-Unis, est inactive depuis 2005. En plus de Nil Lapointe, elle avait comme actionnaires Bruno Desmarais et Mario Drolet, indique le registre américain. Nous n'avons pu joindre aucune de ces deux personnes.

Sur le registre québécois des entreprises, Millenium a Bruno Desmarais comme principal actionnaire. Les deux autres actionnaires sont des entreprises incorporées dans le paradis fiscal de Belize.