Michel Letellier est bien placé pour comparer les attraits du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique dans le domaine des technologies vertes.

L'homme est président et chef de la direction d'Innergex, une entreprise québécoise d'énergie renouvelable qui joue dans les trois marchés.

M. Letellier l'admet: l'Ontario est actuellement le marché le plus «chaud» au pays. Mais il croit qu'il faut éviter de taxer le gouvernement du Québec d'inaction.

«Le Québec en a fait déjà beaucoup», dit l'entrepreneur, qui décrit le territoire comme «un leader et un précurseur» de l'énergie éolienne.

«C'est vrai qu'il y a moins d'appels d'offres en vigueur actuellement. Mais c'est parce qu'il y a en a déjà eu par le passé», dit-il.

L'autre facteur à ne pas oublier, c'est que l'Ontario tire encore près de 20% de son électricité du charbon. Il a donc davantage de travail à faire que le Québec pour assainir son offre énergétique.

C'est un peu là l'ironie de la situation: en matière d'énergie verte, le Québec ne profite pas du même engouement que l'Ontario parce que son marché interne est limité. Son électricité est déjà propre.

«Ce qui va créer les projets et les entreprises, ce sont les besoins. Si on regarde au Québec, le besoin de créer des sources alternatives est moins là», confirme Robert Nardi, associé et leader du groupe technologies propres, médias et télécommunications chez Deloitte & Touche.

Ce ne serait pas dramatique si l'Ontario ne faisait que du rattrapage. Le hic, c'est que l'engouement que la province est en train de créer autour de l'énergie verte risque de déborder sur l'ensemble du domaine des technologies propres, qui est en pleine expansion.

L'analyste Khurram Malik rappelle que la Loi sur l'énergie verte de l'Ontario stipule que quiconque veut vendre de l'électricité sur son territoire doit s'approvisionner en contenu ontarien à hauteur de 50% - une proportion qui grimpera à 60% l'an prochain.

Conséquence? Samsung a déjà annoncé qu'elle construira quatre usines en sol ontarien pour y manufacturer ses technologies solaires et éoliennes.

«Ce que le gouvernement ontarien dit, c'est: si vous voulez produire de la puissance ici, vous devez produire la technologie ici. Ça fait en sorte que le boom va dépasser le domaine de l'énergie et s'étendre à toutes les technologies propres», dit M. Malik.

Québec avait aussi exigé un contenu québécois quand il avait lancé ses grands appels d'offres dans l'éolien. Reste que le momentum vient de se déplacer de l'autre côté de la frontière.

«Oui, je pense qu'il faut s'inquiéter. Il faut trouver une façon d'amener ces joueurs au Québec», dit Robert Nardi, de Deloitte & Touche.

L'analyste rappelle toutefois que le Québec ne reste pas les bras croisés. Parmi ses meilleures armes, il cite Cycle Capital Management, un fonds de capital-risque entièrement consacré aux technologies propres, ainsi que Teralys, un autre nouvel acteur en capital-risque lancé par la Caisse de dépôt et placement du Québec, le Fonds de solidarité FTQ et le gouvernement du Québec qui investira une partie de ses 825 millions en technologies propres.

Hydro-Québec a aussi lancé un appel d'offres pour acheter de l'électricité produite par biomasse. Et M. Nardi rappelle le lancement d'une grappe des technologies propres au Québec en décembre dernier.

Quant à la Colombie-Britannique, elle jouit d'une réputation enviable dans le domaine du développement durable et profitera d'une vitrine incroyable - les Jeux olympiques - pour se vendre comme LE gouvernement vert en Amérique du Nord. Le gouvernement a aussi promis des mesures pour contre-attaquer l'Ontario.

Aucun doute: la course aux investissements verts est bel et bien lancée.

Investissements de capital-risque en technologies vertes

Total - Amérique du Nord, Europe, Chine et Inde

2002 908,2 millions US

2003 1259,7 millions US

2004 1321,8 millions US

2005 1994,1 millions US

2006 4519,1 millions US

2007 6053,2 millions US

2008 8465,4 millions US

2009 (préliminaire) 5640,9 millions US

Source: Cleantech Group

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