Déception de plus pour les investisseurs floués dans l'affaire Norbourg: la Cour suprême du Canada a refusé d'entendre l'appel porté par l'Autorité des marchés financiers (AMF) dans sa poursuite contre l'ancien président de Norbourg, Vincent Lacroix.

L'AMF demandait au plus haut tribunal du pays de se prononcer sur la possibilité d'additionner des peines en justice pénale.

Mais avec cette décision, rendue jeudi, la Cour suprême vient de fermer définitivement le dossier.

M. Lacroix, qui a été condamné à 51 chefs d'accusation relativement au scandale Norbourg, avait écopé d'une peine de 12 ans moins un jour à la Cour du Québec.

La Cour d'appel de la province avait toutefois renversé le jugement, en août dernier, ramenant la peine de Lacroix à cinq ans moins un jour en statuant qu'il n'était pas possible d'imposer des peines consécutives en matière pénale.

L'AMF n'a pas porté ce dernier jugement en appel, mais avait réclamé l'avis de la Cour suprême quant à cette possibilité.

«L'impact principal, outre le fait évidemment que ça aurait clarifié de façon plus importante toute cette notion de droit-là, c'est que ça aurait également permis du côté de l'AMF, d'étendre à tous les dossiers antérieurs les modifications législatives que le gouvernement a apporté un peu avant les Fêtes, en matière de droit pénal», a expliqué le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge, en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

Le ministre québécois des Finances, Raymond Bachand, a déposé un projet de loi, en décembre dernier, modifiant le code pénal afin que les «fraudeurs à cravate», comme M. Lacroix, puissent en effet être condamnés à des peines consécutives.

L'amendement ne s'applique cependant qu'à partir de sa date d'entrée en vigueur, et donc pas à M. Lacroix. L'AMF aurait souhaité un jugement favorable de la Cour suprême, ce qui aurait permis l'application de ces changements au code pénal à tous ses dossiers antérieurs.

Du côté des investisseurs floués par Norbourg, la nouvelle a été accueillie avec un certain fatalisme.

«Je suis pas mal découragé de tout le combat que les investisseurs ont mené et tout le temps qu'on perd à vouloir essayer de nous faire croire qu'il va y avoir des changements. Le gouvernement nous met de la poudre aux yeux avec des grosses accusations ou des belles paroles en changeant les lois», a déploré Jean-Guy Houle, dont les deux petites-filles ont vu leur héritage dilapidé de 195 000 $.

Mardi, le procès des cinq coaccusés de Lacroix a été avorté, car les jurés ne parvenaient pas à rendre un verdict unanime pour aucun d'entre eux. C'était donc deux mauvaises nouvelles en seulement quelques jours pour les victimes de Lacroix.

«Le dossier Norbourg, depuis le début, c'est erreur par-dessus erreur, par-dessus erreur (...) C'est la suite logique des choses. Ca a commencé tout croche ce dossier-là, et ça continue à être tout croche», s'est pour sa part désolé Pierre Gravel, qui a perdu 300 000 $.

«Et le problème, c'est que les gens comme moi, qui sont victimes de cette situation-là, on ne pense pas à eux», a-t-il reproché, en entrevue téléphonique.

Plus de 9000 investisseurs ont perdu quelque 130 millions $ dans le scandale Norbourg.

Depuis le jugement de la Cour d'appel du Québec, cet été, Lacroix a d'autre part été écopé d'une peine de 13 ans d'emprisonnement, en cour criminelle, après qu'il eut plaidé à 200 chefs d'accusation, notamment pour fraude, complot, recyclage de produits de la criminalité et fabrication de faux documents.