La chaîne de restaurants La Belle Province n'a pas que des hot-dogs sur le gril par les temps qui courent. Un grand nombre de restos a reçu la visite de Revenu Québec, ces derniers mois, et la facture est salée.

Le fisc a découvert que des restaurants sous-estimaient systématiquement leurs ventes de frites, de hot-dogs et d'autres produits, évitant ainsi de payer des milliers de dollars de TPS, de TVQ et d'impôts.

Le Québec compte environ 200 restaurants La Belle Province ou Le Petit Québec. Ces casse-croûte sont détenus par des indépendants, mais sont pour la plupart liés à cinq grands groupes, qui détiennent parfois les bâtiments ou ont une coparticipation dans les restos. L'un des groupes s'appelle ABC Management (22 restaurants), et le siège social est situé à Saint-Hubert, sur la Rive-Sud.

Il n'a pas été possible de savoir précisément combien de restos ont été vérifiés, mais plusieurs estiment que c'est le cas de 95% d'entre eux. Des documents obtenus par La Presse, de même qu'une vérification auprès de plusieurs restaurateurs, confirment qu'un grand nombre ont eu maille à partir avec le fisc.

La facture est salée. Revenu Québec réclame entre 30 000$ et 170 000$ de TVQ impayés en cinq ans pour les dossiers dont nous avons eu copie. En ajoutant la TPS, la facture augmente d'environ 66% (Revenu Québec gère aussi la perception de la TPS).

S'ajoutent les intérêts et une pénalité administrative, qui peut grimper jusqu'à 50% des sommes de TPS-TVQ impayées. Les restaurateurs se voient également réclamer des impôts additionnels sur les revenus, puisque les ventes non déclarées auraient dû être imposées.

En supposant de façon prudente que la moitié des 200 restaurants aient reçu une facture totale de 200 000$, les nouvelles recettes pour le fisc friseraient les 20 millions.

Il n'est pas clair, cependant, que tous les restos aient reçu le même traitement.

Certains s'en tireraient mieux que d'autres pour des raisons inexpliquées.

Saucisses achetées, saucisses vendues?

Le fisc utilise différentes méthodes pour recotiser les restaurateurs. La principale consiste à reconstituer les ventes à partir des achats faits auprès des fournisseurs.

Par exemple, un restaurateur est pris en faute lorsque les fournisseurs confirment au fisc qu'il a acheté 250 000 saucisses par année, mais que par ailleurs, il n'en a vendu que 175 000 aux fins de ses déclarations de TVQ. C'est l'écart entre les deux chiffres, appliqué à divers aliments, qui permet de reconstituer les ventes.

Une méthode semblable a notamment été appliquée au resto La Belle Province du boulevard Le Corbusier, coin Le Carrefour, à Laval. Résultat: le fisc estime que les ventes ont été sous-estimées de plus de 2 millions pour l'ensemble des années 2002 à 2007, selon une requête déposée en Cour supérieure en 2009.

Revenu Québec réclame donc près de 286 000$ au titre de la TVQ impayée, pénalités et intérêts inclus. À cette facture s'ajouteront la TPS et l'impôt sur le revenu, d'un total non déterminé. Le fisc estime que le restaurateur a fait preuve de «négligence flagrante», d'où l'imposition d'une pénalité.

«Le vérificateur a constaté que le contrôle des ventes était déficient en ce que le restaurateur ne conservait aucun registre expliquant le détail de ses ventes», est-il écrit dans la version de Revenu Québec.

Pour se défendre, le propriétaire, 9049-1580 Québec inc., a eu recours aux tribunaux. Le restaurateur juge que le fisc n'a pas tenu compte des pertes inhérentes à la restauration. De plus, il estime que la reconstitution des ventes des 51 mois est non valable, parce qu'elle repose sur un échantillonnage de seulement trois mois.

Des perquisitions

En octobre dernier, Revenu Québec a même dû faire sept perquisitions concernant trois autres restaurants La Belle Province situés rue Peel, Sherbrooke Est et Bélanger, à Montréal. Registres, documents bancaires, factures, ordinateur, tout ce qui était susceptible d'aider le fisc a été saisi.

Le resto du 8660, Sherbrooke Est est soupçonné d'avoir camouflé des ventes de 1,9 million au fisc en 4 ans et 4 mois. On lui réclame 275 800$ de TVQ et TPS impayés, de même que des impôts non précisés.

Même constat au 2592, rue Bélanger (1,2 million en 4 ans et 4 mois), qui se voit réclamer 170 800$ de TVQ et TPS, plus l'impôt sur le revenu. Quant au casse-croûte du 1216 de la rue Peel, les totaux de TVQ et TPS réclamés sont de 157 900$, plus l'impôt sur le revenu.

Dans ces trois cas, les restos sont passibles d'une amende équivalant à 200% de l'impôt éludé, indique Revenu Québec.

Nous avons appelé des restaurateurs pour discuter de la question. Certains ne rappellent pas, alors que d'autres sont peu loquaces. «Tout devrait être terminé d'ici un mois ou deux. Je paie mon dû et c'est tout», nous a dit en décembre l'entrepreneur Kosta Kivetos, copropriétaire de cinq restos La Belle Province dans la région de Montréal.