Les campagnes publicitaires La ville est hockey et Nous sommes Canadiens, c'est lui. L'avalanche de produits dérivés du Tricolore, c'est lui. La section familiale à prix réduit pour les jeunes partisans, c'est lui. Les cérémonies d'avant-match qui font l'envie des 29 autres équipes de la LNH, c'est lui.

Ray Lalonde ne marque pas de buts et n'arrête pas de rondelles, mais il est l'une des pierres angulaires du Canadien de Montréal. Les stratégies de marketing de ce spécialiste formé sur les lignes de côté avec Joe Paterno et dans l'entourage de Michael Jordan ont aidé George Gillett à vendre le Canadien à fort prix l'an dernier dans le cadre d'une transaction record pour la LNH.

Lui-même grand partisan du Tricolore depuis son enfance, Ray Lalonde a réussi à transformer une visite au Centre Bell en une soirée réussie peu importe l'issue du match. «Nous avons voulu privilégier l'expérience de match plutôt que le résultat du match, dit-il. Si le Canadien perd 2-1, nous voulons que les gens se disent: dommage, mais j'ai eu une belle expérience et je veux revenir.»

Les succès de Ray Lalonde lui ont attiré plusieurs détracteurs dans l'univers de la sainte Flanelle, qui lui reprochent d'avoir réussi à redorer l'image d'une équipe qui a connu des résultats décevants sur la glace au cours de la dernière décennie - du moins selon les critères tricolores. Dans une rare entrevue de fond accordée à La Presse Affaires, Ray Lalonde défend à la fois sa petite révolution marketing et les résultats de l'équipe sur la glace. «On n'essaie pas de faire croire des choses à personne, dit-il. Il n'y a jamais de promesses offertes à des partisans de sport. Il faut être réaliste: il n'y a qu'un gagnant parmi 30 équipes et on ne peut pas gagner chaque année. Les partisans comprennent tout ça. Ils veulent que tu fasses le maximum pour gagner en tant qu'organisation et le Canadien l'a fait au cours des 10 dernières années. Ça n'a pas tourné comme on l'avait espéré, mais la moyenne (des résultats de l'équipe) n'est pas mauvaise.»

Une première carrière dans l'enseignement

En dépit de son intérêt pour le sport depuis son enfance à Trois-Rivières, rien ne destinait Ray Lalonde à une carrière dans l'industrie du sport professionnel à sa sortie de l'Université McGill, en 1986. Son bac en éducation en poche, il songe à faire carrière dans l'enseignement, mais les conditions du marché du travail sont difficiles. «Il y avait beaucoup d'étudiants en éducation et presque pas d'emplois, se souvient-il. J'ai fait de la suppléance et des petits contrats, de la maternelle à l'école secondaire, mais il n'y avait pas d'emploi disponible.»

Après un an et demi de ce style de vie, ce passionné de sport prend une décision qui changera sa vie: il entreprend une maîtrise en administration du sport à l'Université Penn State, aux États-Unis. C'est le début d'une longue aventure dans le milieu du sport professionnel.

Pourquoi Penn State? Parce que, en dépit de son intérêt pour le hockey, l'athlète originaire de Trois-Rivières se distingue davantage sur un terrain de football. Meilleur receveur de passes de la Ligue collégiale du Québec en 1981, il porte ensuite les couleurs des Redmen de l'Université McGill durant son bac. À Penn State en 1987 et 1988, Raymond Lalonde ne fréquente pas seulement les bancs d'école, il est aussi entraîneur adjoint de l'équipe de football de l'université. À sa première réunion, les autres entraîneurs ne connaissent pas son nom de famille et l'appellent simplement «Ray Canada». Le prénom restera.

À Penn State, «Ray Canada» travaille sous les ordres du légendaire entraîneur Joe Paterno. Âgé aujourd'hui de 83 ans, Paterno dirige toujours les Nittany Lions et est considéré comme l'un des meilleurs entraîneurs de football universitaire. «C'est un homme extraordinaire qui enseigne la discipline, la rigueur et le dévouement», dit Ray Lalonde, visiblement marqué par ses deux années sur les lignes de côté avec Joe Paterno.

À son retour de Penn State, Ray Lalonde rêve de gagner sa vie sur les lignes de côté, mais il accepte plutôt un poste administratif avec la Machine de Montréal, une équipe de football de la Ligue mondiale de football américain. Une réorientation de carrière déterminante pour le futur responsable du marketing du Canadien. «J'ai toujours aimé assister à des événements sportifs et j'ai eu l'envie de gérer ces événements-là moi-même», dit Ray Lalonde.

L'homme de la NBA en Europe

La Machine de Montréal cesse ses activités en raison de problèmes financiers après deux saisons. Du même coup, Ray Lalonde perd son emploi. La NBA l'engage grâce à un contact. Après quelques mois à New York, la ligue l'envoie inaugurer son bureau européen. La NBA veut capitaliser sur les succès des Jordan, Johnson, Bird et le reste du Dream Team américain qui a gagné la médaille d'or et volé la vedette aux Jeux olympiques de Barcelone l'été précédent.

Ray Lalonde passe huit ans en Europe à travailler pour la NBA. Il promène notamment Jordan à Paris, où les Bulls de Chicago jouent une série de matchs hors-concours. «Partout où Jordan allait, il y avait instantanément 500 personnes qui le suivaient», se rappelle-t-il. Les gens devenaient fous seulement à l'apercevoir.» Ray Lalonde garde d'excellents souvenirs de la vedette des Bulls à l'abri des foules. «En dépit de tous les produits commercialisés à son image, il était un homme relativement privé», dit-il. Jordan avait aussi un trait de caractère commun avec Ray Lalonde: le goût de la compétition. «Pour Jordan, il n'y avait rien dans la vie qui n'était pas compétitif», dit-il.

C'est justement pour satisfaire son besoin de compétition que Ray Lalonde quitte la NBA en 2000 afin de créer sa firme de consultation en marketing sportif en Floride. «C'est bien de travailler pour une ligue, car tu as les mains dans plein de choses en même temps, mais tu ne peux pas compétitionner, dit-il. Tu dois traiter toutes les équipes également. Gagner, ça me manquait. J'aime vivre les joies de la victoire et la souffrance de la défaite.»

Un retour à ses anciennes amours tricolores

Tant qu'à vivre les joies de la victoire et la souffrance de la défaite, Ray Lalonde veut le faire avec son équipe préférée, celle qui a bercé son enfance de souvenirs de conquêtes de la Coupe Stanley. En 2001, il prend contact avec le président du Canadien, Pierre Boivin, pour lui offrir ses services.

Aussitôt embauché, Ray Lalonde commence sa petite révolution sur le plan marketing. Il modernise les produits dérivés de l'équipe, détaille davantage la grille tarifaire du Centre Bell, rajeunit la base de partisans de l'équipe et signe des campagnes publicitaires particulièrement réussies (La ville est hockey, L'histoire se joue ici et, la toute dernière, Nous sommes Canadiens).

«Mes expériences acquises au fil des années m'ont donné la perspective que le Canadien pouvait être une équipe plus innovatrice et plus créative, dit Ray Lalonde. L'équipe devait se réajuster aux exigences des jeunes partisans des années 2000. Il peut arriver que les grandes équipes de sport comme le Canadien, avec toutes leurs légendes et leurs grands moments, aient tendance à être plus confortables et plus passives dans leur mise en marché. Le marketing sportif a pris beaucoup d'ampleur dans les années 90. Il y a un déblocage au niveau des stratégies utilisées par les équipes. Le sport est alors devenu une grande industrie.»

Dans l'univers conservateur du Canadien, ses stratégies de marketing innovatrices sont vite remarquées. «On s'est fait ridiculiser lorsqu'on a lancé le bobblehead de Jean Béliveau, se rappelle-t-il. On n'a pas inventé le bobblehead. Nos partisans ont un profil semblable à ceux de New York, Los Angeles et Chicago qui aiment le bobblehead. On s'est dit que si le bobblehead marchait dans neuf villes sur dix, pourquoi ne pas l'essayer ici aussi?»

L'ancien propriétaire du Canadien, George Gillett, a déjà qualifié Ray Lalonde «du plus grand travailleur» qu'il ait connu. Les efforts de marketing de Lalonde, sous la direction du président Pierre Boivin, ont rapporté gros à l'homme d'affaires américain, qui a acheté 80% du Canadien et du Centre Bell pour 275 millions de dollars en 2001 avant de les revendre pour 575 millions à la famille Molson l'an dernier.

Au cours de la dernière année, Ray Lalonde a été aux premières loges des célébrations du centenaire du Canadien, qui s'est terminé le 4 décembre dernier. Sa stratégie? Miser à la fois sur le passé glorieux du Canadien et sur les aspirations de l'équipe actuelle. «On essaie de rallier les partisans à la tradition du club, aux joueurs légendaires et aux grands accomplissements, mais aussi à l'espoir fondé sur nos joueurs actuels», dit-il.

Selon Ray Lalonde, le marketing sportif pose un défi unique: il n'y a qu'un seul gagnant par année. Un seul. «Je n'aime pas comparer, mais certaines équipes ont eu plus de frustration pour plus longtemps, dit-il. On a tellement été gâté par le passé que c'est dur de dire que ça fait 16 ans qu'on n'a pas gagné (la Coupe Stanley). Nous faisons autant d'efforts qu'avant pour gagner. Notre priorité, c'est le hockey. On croit en notre équipe.»

 

RAY LALONDE

1982-1985

- Baccalauréat en éducation de l'Université McGill

- Membre de l'équipe de football des Redmen de McGill 1985 et 1986

- Enseignant

1987 et 1988

- Maîtrise en administration du sport de l'Université Penn State

- Entraîneur adjoint de l'équipe de football des Nittany Lions de Penn State

1991-92

- Directeur des opérations football, Machine de Montréal (World League of American Football)

1993-2000

- Directeur, NBA (New York, Genève et Paris) 2001 - à ce jour

- Vice-président et chef de la direction marketing et ventes, Canadien de Montréal

LES SLOGANS

«La ville est hockey»

Saisons 2006-2007 et 2007-2008

Concept:

La campagne de pub vise à recréer la frénésie des séries éliminatoires. Elle a duré deux saisons.

 

«L'histoire se joue ici»

Saison 2008-2009

Concept:

Clin d'oeil à la saison centenaire du Tricolore, la campagne de pub intègre les joueurs de l'équipe actuelle aux grands moments de l'histoire du Canadien et du hockey.

 

«Je suis (Cammalleri), nous sommes Canadiens»

Saison 2009-2010

Concept:

Comme les piliers de l'équipe ont été remplacés au cours de l'été, la campagne de pub présente les nouveaux joueurs aux partisans.