Les clubs privés n'ont plus le monopole du réseautage d'affaires. Des restos branchés aux spas scandinaves en passant par les clubs de golf et les réseaux internet, il y a aujourd'hui mille et une façons d'entretenir ses contacts professionnels. Et mauvaise nouvelle pour les propriétaires de clubs sélects: aujourd'hui, c'est en public qu'on veut brasser des affaires.

«Avant, les clubs privés étaient utilisés comme une sorte de cachette. On voulait discuter en paix, on ne voulait pas être vu avec un tel. Pendant longtemps, pour les Québécois, c'était quasiment tabou de montrer qu'on avait de l'argent», observe Lise Cardinal, une spécialiste du réseautage qui a écrit «Réseautage d'affaires: mode de vie» et qui tient un site web sur le sujet.

 

Les choses ont bien changé. Aujourd'hui, manger au vu et au su de tous avec des clients dans un chic resto du centre-ville est devenu pratique courante.

«Aujourd'hui, ceux qui sont vus dans les bonnes tables ont intérêt à l'être: ils sont perçus comme des gens qui ont réussi», dit Mme Cardinal.

Restaurants, clubs de golf, Centre Bell, courts de tennis: les endroits publics où huiler ses contacts ne manquent pas. Et les gens d'affaires aiment être à l'affût du dernier endroit à la mode.

«Les gens veulent de la nouveauté, observe Mme Cardinal. Toujours se rencontrer à la même place, dans le même décor, ça ne marche plus.»

À l'inverse, ceux qui veulent vraiment brasser des affaires en secret préféreront la discrétion absolue aux salons des clubs privés, croit Mme Cardinal.

«Aujourd'hui, bien des banques et des grandes compagnies ont leurs propres salles à manger. Quand on veut discuter de choses vraiment confidentielles, on va là et on est sûr qu'on ne sera pas vu.»

«Quand la Banque Royale et la Banque de Montréal ont failli se marier, elles se sont bien courtisées quelque part et jamais personne n'en avait entendu parler, illustre-t-elle. Pourquoi? Parce que ça s'était fait dans des lieux fermés.»

Autre option de plus en plus populaire pour ceux qui désirent l'anonymat, selon la spécialiste: quitter Montréal et aller discuter autour d'une «table champêtre» à Magog ou Bromont, là où les chances de tomber sur quelqu'un qu'on ne veut pas voir sont plus minces.

Luc Dupont, spécialiste en publicité et professeur à l'Université d'Ottawa, croit aussi que la pertinence des clubs privés s'atténuera avec l'arrivée de réseaux en ligne comme LinkedIn ou même Facebook et Twitter.

«Oui, on utilise souvent ces réseaux pour annoncer à tout le monde qu'on s'en va à l'épicerie. Mais il y a aussi moyen de s'en servir pour avoir des communications de qualité et faire de l'excellent réseautage», dit M. Dupont.

Selon lui, la nouvelle génération d'entrepreneurs trouve difficilement sa place dans les clubs privés, qui ont fait l'erreur de ne pas lui faire suffisamment de place.

«Le renouvellement ne s'est pas fait», constate-t-il.